Recto
. 12 août 1918
. Ma Jeannot chérie
. C’est avec beaucoup de plaisir que j’ais lu
hier soir ta lettre du 6 courant dans laquelle
tu me dis que tu es en bonne santé ainsi que
Zizou qui est toujours polissonne. Elle ne
veut pas de petit frère, elle préfère une petite
sœur ; tu me dis que ce sera peut-être un
bien pour elle qu’il y en ai un autre, elle
obéira davantage car elle est jalouse, elle
ne peut supporter qu’on fasse aux autres
autant qu’à elle. Gare les premiers temps
qu’il y aura l’autre mami, elle va le regar-
der de travers ; mais elle s’y abituras et
elle deviendras sans doute plus sage. Je le
crois moi aussi. C’est qu’elle a grand be-
soin de se corriger ; et puis il va-t-y avoir
l’école pour la dresser un peu, ça n’y sera
pas tout pour elle là non plus et il faudra
bien qu’elle en prenne son parti.
. Petite femme. Tu travaille toujours
tu me dis que tu as le temps de te reposer
après quand tu ne pourras plus. Si tu es
en bonne santé ça va et j’en suis bien
Centre gauche
content. J’espère que ma lettre te trouvera
toujours aussi bien que possible, sans que
rien de facheux ne se soit produit dans la
famille.
. Vous avez un temps bizarre, tantôt chaud
tantôt froid et le plus embêtant c’est que
ça abime la vigne qui dépérit. Il ne man-
quait plus que ça, il n’y a pas il faut toujours
quelque chose pour embêter. Il n’y a pas de
fruits, pas de pommes de terre. Je me deman-
de comment vous allez faire cet hiver.
Prends tes précautions petite femme procure
toi le nécessaire, fais tes provisions le plus
possible ; si tu peux te procurer du charbon
ne manque pas l’occasion car il se pourrait
que cet hiver ça manque de tout plus ou
moins.
. Ma Nonot. Les lettres sont arrivées
mais aujourd’hui je n’ais rien de toi. J’espè-
re que ce n’est qu’un retard de la poste et
que demain je pourrai te lire et avoir de
bonnes nouvelles de tous ceux que j’aime et
que le temps me dure de revoir. Malheu-
reusement il faut encore attendre, tou-
jours attendre … ce que ça devient fati-
guant et insupportable. Rien de nou-
veau pour les permissions. Je ne sais pas
du tout quand viendra mon jour …
c’est désespérant. Enfin ! … il faut se ré-
signer car ça n’avance à rien de se faire
du mauvais sang. Mais tout de même
j’en ais mare. Je pensais tant partir ces
jours-ci … il n’y faut plus songer mais
c’est bien dure et je ne me résigne que
bien difficilement.
. Attendons … et espérons malgré tout
Centre droit
Rien de nouveau pour moi depuis hier.
Nous sommes au même endroit et jusqu’a
présent tout s’est très bien passé
. Je suis en bonne santé et nous avons
beau temps ; il fait même que trop chaud,
en ce moment le soleil tape fortement.
Cette nuit je n’ais guère pu dormir car
c’est plein de puces, j’ais cru qu’elles
allaient me dévorer tout vivant. Aussi
je me suis lever à 5h1/2. Il faut que je
tire des plans pour être plus tranquil pour
dormir, comme ça ça ne peut pas faire.
. Ce matin je me suis occupé de la
désinfection. Je me suis bien promener
car la compagnie est complètement
dispersée. Je me suis appuyé une bonne
trotte.
. Le secteur parait calme jusqu’a
présent. Seulement je ne m’y fie pas
de trop, c’est traitre par ici. Espé-
rons que tout se passera bien et que
les bôches nous ficherons la paix
. Je ne vois rien autre à t’apprendre
pour aujourd’hui. Je vais aller couper
de l’herbe pour m’y coucher dessus au
lieu de coucher sur les paillassons pleins
de puces.
. Au revoir Mamour à demain
qui je l’espère, m’apportera une de tes lettres
. Embrasse bien notre petit diablo-
tin pour moi. tu peux croire que le
temps me dure de vous revoir, de pou-
voir vivre quelques jours tranquils près
Verso
de vous ; de goûter vos caresses et de pouvoir
vous prodiguer les miennes. Je suis si
bien, si heureux près de vous … hélas !
que cette séparation est longue … qu’elle nous
fait donc souffrir … Vivement … bien vive-
ment que ça finisse que nous soyons a
nouveau réunis pour toujours. Quel
bonheur serait le notre … que nous serions
donc heureux … Malheureusement cette
maudite guerre n’est pas finie … on en vois
pas encore la fin … espérons qu’elle sera
plus tôt que ça ne parait.
. Ton petit mari qui t’aime bien
ainsi que notre Zizou et qui pense à vous
constamment.
. Je t’aime passionnément et t’em-
brasse bien fort et bien tendrement des
millions de fois sur tes yeux, ta bouche,
ton cou … partout. Souviens-toi ma
Jeannot des bois. Attends-moi …
. Je n’aime que toi petite fenotte … rien
que toi … Je te bise comme pendant la
permission déjà si loin … comme autrefois
au bois …
. Au revoir au plus tôt … Je suis très
très impatient.
. Ton Simon entièrement à toi
pour toujours.
. Collay
Je te renvoi deux de
tes lettres. Dis-moi quand tu les recevras.
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