Recto
(En travers, à gauche de la découpe
Mille bisettes à mes deux
chéries. Je vous aime)
(En travers, à droite de la découpe
N’oubli pas que j’attend
tes lettres impatiemment
Ecris le plus possible)
. 29 juillet 1915
. Ma Jeannot chérie
Je n’ai pas eu de tes nouvelles, ni
hier ni aujourd’hui. C’est bien en-
nuyeux et je m’accomode mal de
rester sans te lire. J’attend toujours
tes lettres avec impatience et je ne
puis m’empêcher d’être inquiet
quand je reste deux jours sans en
recevoir. J’espère que malgré
Centre gauche
(En travers à droite
J’aurai besoin d’un autre
tricot de peau.)
cela ma presente trouvera mes deux
gosses chéries bien portantes, de même
que toute la famille.
Hier j’ai reçu une carte de mon
frère Louis qui se porte toujours
bien à part son poignet qui n’est
pas encore guéri ; sa vie est toujours
aussi calme et il me charge de vous
envoyer bien le bonjour et mille
baisers. Lui aussi est impatient
de voir la fin de cette maudite
guerre.
Ma Jeannot . Je n’ai rien de
nouveau à t’apprendre, la vie ici
est toujours pareille et je m’ennui
Centre droit
toujours autant et même davantage
j’en deviens complètement abruti, sans
cesse je pense à vous au bonheur qui nous
serait possible sans cette affreuse guerre
qui fait tant de victimes et qui se pour-
suit toujours entretenue par la bêtise
humaine. Qu’ importe le deuil ! Qu’im
porte la misère des uns ! Il y en a qui
font fortune sur les ruines qu’amoncelle
la terrible faucheuse. Jamais il n’y
a eu tant d’égoïsme et moins de pudeur
Il en faut qui supportent pendant
que d’autres jouissent. C’est ce que l’on
appelle le progrès, la civilisation. Pour
moi c’est la honte du XXème siècle et la ruine
de tout sentiments humains. Enfin !…
Espérons qu’il n’en sera pas toujours
ainsi et qu’après en avoir tant vu et
tant enduré , il nous sera bien permi
de vivre une vie meilleure ; nous
serons égoïste nous aussi, nous vivrons
pour nous ma chère petite femme, pour
notre Zizou, pour ceux qui nous sont
chers. Hélas ! il nous faut encore prendre
Verso
patience et supporter cette affreuse situa-
tion qui ne veut pas s’améliorer. La
paix tant désirée par ceux qui souffrent
n’est pas encore probable et la campagne
d’hiver semble toujours de plus en plus déci-
dée. Espérons que des événements imprévus
viendront mettre un terme à tout le massacre
Aujourd’hui nous n’avons pas vu la
pluie et le soleil s’est montré, ce n’est
pas malheureux . Ce matin nous avons
eu plusieurs blessés dans les environs de
nos postes, toujours quelques victimes
de temps à autre, quoique nous soyons
dans un des secteurs les plus calmes.
Au revoir ma Jeannot, ton Simon
t’adore et t’embrasse bien tendrement en
songeant à nos douces caresses d’autrefois a
notre bonheur qu’il me tarde de voir reve-
nir. Mille bisettes à notre petite chérie
Bien des choses à ta mère, à ta grand-mère
et à mes parents. Qu’il me soit permi
de vous revoir le plus tôt possible
ton Simon qui brule de t’embrasser
bien fort comme il t’aime. Au revoir
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