Recto
. 20 juin 1918
. Ma bien chère petite femme
Je viens de lire avec beaucoup de plaisir ta lettre du 16
courant. Je suis bien content quand je puis te lire régu-
lièrement et que j’apprends de vos bonnes nouvelles. Tu es
en bonne santé ainsi que notre Zizou, j’espère qu’il
en sera toujours ainsi.
. Vous avez aussi la pluie que vous atten-
diez avec beaucoup d’impatience. Tant mieux !
Ça va sans doute redonner de la vigueur aux récol-
tes. Peut-être que cette année sera meilleure que
l’année passée. C’est bien à souhaiter.
. Tite femme ! Tu me dis que mon père
t’a demandé ton carnet de la coopé pour pren-
dre du vin puisque tu n’en prends pas. Tu me
dis que tu as peur que ça se sache et qu’on te passe
dehors de la société. Je ne vois pas trop pourquoi.
Tu as droit à acheter du vin … libre à toi de faire
de ce vin ce que bon te semble, ils ne vont pas se
renseigner si tu le bois ou ne le bois pas. Et puis
vous n’êtes pas obligés de crier par-dessus les
toits que tu le cède à mon père, quoique ce soit ton
droit . Ce vin tu le paie ils n’ont pas de perte dessus
Le tout est de ne pas exagérer … Pour moi je ne crois
pas qu’il y ai risque. Maintenant fais comme
bon te semblera seulement ce serait bête de laisser
échapper un bénéfice les autres ne regardent pas de
si près. Aujourd’hui il faut avoir du culot pour
vivre. Tu dis que tu n’as pas à t’occuper des
autres, des étrangers je comprends mais dans la
famille il faut s’entre-aider le plus possible.
Maintenant tu dois voir mieux que moi s’il y a
risque. Je ne connais pas les statues de la sociétée
si tu crois qu’il y a réellement danger, abstiens-toi
Verso
Pour moi rien de nouveau depuis hier. Nous
sommes toujours au même endroit et suis toujours
bien portant. La nuit passée je suis allé chercher
le ravitaillement en vivre ce qui fait que je n’ais
pas dormi. Ça a tombé de l’eau aujourd’hui par
intervals. Pas de fortes pluies mais suffisantes pour
que nous ayons de la boue et que nos trou soient
humides. Je me console en pensant que si pour
nous la pluie est embêtante, pour vous elle est
très utile. Il y a grande compensation.
. Rien d’intéressant à t’apprendre pour aujour-
d’hui. Je fais ma lettre un peu vite car je n’ais que
juste le temps pour qu’elle parte aujourd’hui.
. Tu m’apprends qu’il doit arriver deux mille
Américains dans notre ville de Montbrison.
Rien que ça d’un coup ! … Il ne manquait plus
que ça. On m’a dit qu’il était très entreprenants
avec les femmes. Méfie-toi ! … Mais on m’a dit
aussi qu’ils étaient moches … Tu me donneras ton
avis ! Il parait que c’est eux qu’ils doivent sau-
ver la France … En attendant ce sont toujours
les Français qui paient de leur peau. Enfin ! Pa-
tientons et attendons en espérant que la chance ne
nous abandonnera pas.
. Au revoir Mamour. Embrasse bien fort
notre Zizou pour son papa qui pense à vous
constamment et vous envoi de bien douces bi-
settes et caresses en attendant toujours impatiem-
ment l’heureux jour qui me permettra de vous
rejoindre et de goûter avec vous des jours plus
heureux. Bonjour à ta mère, à ta grand-mère,
à chez moi, à toute la famille. bonne santé
et bonne chance à tous. Et vivement la fin de cette
maudite guerre. Il y en a mare.
. Ton Simon qui t’aime bien bien et qui
t’embrasse tendrement et passionnément comme je
voudrais le faire pour de bon.
. A demain ma Jeannot des bois ! … Je t’adore !
. Collay
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