3 heures soir 9 juin 1918
. Ma Jeannot chérie
Je viens de lire avec beaucoup de plaisir ta lettre du 5 courant
Je suis bien content de savoir mes deux gosses chéries en bonne
santé. Ma Nonot tu me dis que tu ne ressens plus de malaises
tant mieux ! car pour aller au travail il ne fait pas bon être ma-
lade. Je suis bien content aussi que tu ais reçu mon coli. J’a-
vais bien peur qu’il se perde ou qu’il soit volé. Notre Zizou est
toujours bien diable et elle ne cesse de courir et de remuer ses petites
jambes et sa petite langue. Elle demande si son papa ne va pas
bientôt venir. Hélas ! … le papa voudrait bien revoir son Zizou
et sa Jeannot … le temps lui dure bien loin de vous … malheu-
reusement je ne sais pas trop quand j’aurai cette joie, il n’y
faut pas compter de si tôt. C’est dure … bien dure mais il faut
se soumettre puisque l’on ne peut faire autrement. Ah ! nous
ne sommes pas nés au bon moment, nous faisons partis d’une
bien triste époque.
. Pour moi la santé est toujours assez bonne mais j’ais
un coté de la figure enflé, ça vient de ma dent gâtée. Si je pou-
vais faire finir d’arrager ce qu’il en reste, je le ferais avec beau-
coup de plaisir.
. Petite femme. Je vais presser le mouvement car le vague-
mestre est là et il va ramasser les lettres.
. Depuis hier soir nous sommes dans un village. Pas bien
loin des lignes. Toute la nuit elle est bombardée, aussi nous cou-
chons dans les caves. Aujourd’hui dans la journée les bôches
ont bien balancé quelques obus mais pas comme la nuit.
Dès la nuit venue, il ne fait plus bon sortir des caves.
C’est dommage, c’est une gentille petite ville, elle est déjà,
pas mal abimée. Les maisons ont été pillées … il y en a
qui ne sont tout de même pas consciencieux, à quoique
ça sert de tout abimer, de mettre tout à sac. Enfin ! …c’est comme
ça … Nous serions ici pour 4 jours parait-il, après quoi
nous remonterions en ligne.
. Au revoir petite femme. Je ne t’écris pas plus longuement
Je n’ais plus le temps. Embrasse bien fort notre gentille
gamine pour moi et donne bien le bonjour à ta mère
à toute la famille. j’espère que ma carte vous trouvera
tous en parfaite santé.
. En attendant de te relire et encore bien mieux
de te revoir ton petit mari qui t’adore t’embrasse bien
fort et t’envoi ses plus douces caresses.
. A demain ! Ton Simon qui t’aime
Et pense constamment à toi
. Collay
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