( en haut à gauche : Collay)
. 14 Mai 1918
. Ma Jeannot bien-aimée
. Je viens de recevoir à l’instant ta lettre du 11 courant. Je n’ais rien reçu à la date
. du 10 et tu ne me parle pas que tu sois restée sans m’écrire. M’as-tu écris ce jour-là ? A la date
du 8, c’est la même chose. Je n’ais rien reçu et tu ne m’as dis ne pas m’avoir écris. Si tu reste sans m’écrire
n’oubli pas de me le dire dans ta lettre suivante afin que je sache les lettres qui se perdent
Tu me dis que tu voulais aller à St Etienne pour faire des emplettes et que ta mère n’a pas voulu. J’ignore ce
qu’on peut trouver à St Etienne et ce qui vous manque ; je ne peux donc pas juger si cela était utile que
tu fasse ce voyage. En tout cas il est bon de ne pas faire de voyage inutile. Dans ta lettre tu me dis qu’on pré-
dit la fin du monde et que toi tu la souhaite tout de suite ; il ne faut pas causer de la sorte, ni te laisser
abattre par la moindre contrariétée. Je ne crois pas que la fin du monde soit proche, ce le sera pour quelques
uns malheureusement mais la Paix viendra bien avant que nous soyons tous tués.
. Notre Zizou se porte toujours bien et elle est toujours bien diable, seulement le pipi au lit ne passe
pas et ça ne passera pas tant qu’elle ne sera pas tenue et qu’elle cessera de tant courir. L’école
lui ferait bien du bien, vivement que tu puisse l’y envoyer, elle deviendrait plus sage et plus
obéissante. Tu me dis qu’elle trotte tellement dans la journée que la nuit elle est très agitée et qu’elle
dort mal. Il n’y aurait donc pas un moyen de la tenir un peu. Certe il faudrait la fin de la guerre, il
la faudrait pour tout et pour tout le monde ; elle est grandement nécessaire.
. Rien de nouveau pour moi depuis ce matin. Je ne crois pas que nous déménagions demain. Aujourd’hui
pour changer nous avons eu la pluie, en ce moment un pâle soleil essait de se montrer mais il ne va pas tar-
der à être noyé par la flotte. Drôle de mois de mai tout de même. J’ais oublier de te dire qu’hier nous
avons trouvé des œufs et que nous nous sommes payé une bonne omelette ; ça change un peu de
notre tambouille ordinaire. Ce soir nous allons manger une salade. Seulement œufs et salades ne sont
pas bon marché, il ne fait pas bon acheter. Enfin ! … c’est partout pareil … ici nous payons le vin 36 sous le
litre, tant pis, on en boit tout de même, dans quelques jours nous serons peut-être privés de tout.
. Au revoir petite fenotte. Je te quitte car c’est l’heure de la soupe. J’espère que ma lettre te
trouvera en parfaite santé ainsi que notre gamine que tu biseras bien fort pour son papa qui n’oubli
pas un seul instant ses deux gosses chéries. Il vous envoi ses plus douces caresses à toutes deux et attend
impatiemment la grande joie de vous revoir. Je ne sais pas quand mon tour de perme viendra mais il
n’y faut pas compter de sitôt. Avant d’avoir cette joie il faudra surement aller subir de nouvelles épreuves.
. Enfin ! Espérons toujours. Et vivement … bien vivement que la Paix nous soit rendue.
. Tu me dis que mon père t’a remi un couteau. Il faut me l’envoyer tout de suite, je n’en ais pas, un ca-
marade m’en a prêté un. J’en avais demandé un à mon oncle, c’est sans doute celui-là.
. A demain petite fenotte chérie. Ton petit mari qui t’adore t’embrasse passionnément des mil-
lions de fois. Quand serons-nous enfin réunis. Les jours sont bien longs loin de toi. Dire que nous
serions si heureux si nous étions bien près l’un de l’autre. Il faut se contenter d’y penser et d’envier
pareil bonheur. Quatre longues années que nous vivons ainsi séparés, c’est tout de même bien dure et bien
cruel. Enfin ! Il faut se soumettre et attendre … nous ne pouvons rien faire autre. Je t’embrasse encore
passionnément partout ta figure, sur tes nanets. Souviens-toi ! Je t’aime ! … Rien que toi ma Nonot
des bois.
———————————————————–
Le décalage est encore dû à la largeur inhabituelle de la lettre, la largeur des lignes écrites par Simon est respectée par choix depuis le début du site.
Laissez votre message