. 27 Mars 1918
( en haut à gauche : Ton Simon / Collay)
. Ma Jeannot bien-aimée
. J’ais reçu hier soir ta carte du 21 courant. Décidément ça
n’est pas de la chance, tu es encore fatiguée, tu as mal à la
tête et tu ne dors pas ; il ne manquerait plus que tu sois
malade ça serait le comble. Quelle vie ! … décidément je crois
que la chance ne nous court pas après. Pour comble les bôches
sont en train de nous passer une piquette dans l’Ar(g)one et
la Somme qui n’est pas piquée des vers. Pauvre peuple de
France … tu seras bien sacrifié complètement- faut-il que
nous soyons bêtes tout même … nous en avons mare … mare …
archi mare … on nous saigne à blanc et nous sommes en-
core trop lâches pour élever la voix et réclamer la Paix que
nous désirons tous hardemment … Ceux qui veulent aller jusqu’au
bout … les patriotes … n’ont qu’à prendre un fusil pour exposer aussi un
peu leur peau … elle n’est pas plus utile ni plus sacrée que n’importe qu’elle
autre …. Les pères de famille qui sont au danger depuis si longtemps se trouveraient
bien d’êtres à l’arrière. Des discours ! on leur en fera s’ils en veulent … et on
se fera comprendre : la Paix ! … la paix le plus tôt possible Assez de
bourrage de crâne assez de meurtres et de sang inutilement versé. Assez de
misères en perspectives. Tous nous pensons ainsi mais nous n’avons le cou-
rage d’imposer notre volonté ; pourtant nous sommes encore les plus forts …
que diable … si nous voulions ! … Hélas ! … nous ne sommes que des faiblars.
Nous nous laissons faire … nous nous laissons tuer que comme un pauvre troupeau
. Soumettons-nous puisque nous sommes incapables d’autre
chose. Si seulement ça pouvait servir de leçon à nos enfants …
. Au revoir ma Nonot. Je ne t’écris pas plus longue-
ment car je ne suis pas en état de le faire aujourd’hui. Ça n’avance
à rien de récriminer … J’attends impatiemment de te relire, peut-
être aurais-je de meilleures nouvelles de toi qui m’est si chère, ce que
je m’ennui de me sentir toujours si loin de toi … voilà 4 ans que
cette cruelle séparation nous fait souffrir … 4 ans d’ennuis, de
soucis, de misères de toutes sortes … Et ce n’est pas fini … Ces mes-
sieurs trouvent que ce n’est pas encore assez … bande d’assassins
de lâches qu’ils sont … Ça changera peut-être bien tout de même …
il faut espérer … Au revoir petite femme … Embrasse-bien
notre Zizi pour moi et donne bien le bonjour à toute la fa-
mille … Rien de changé pour moi depuis hier. Je me porte
bien et suis toujours au même endroit. Il fait encore bien froid
aujourd’hui. Ton petit mari qui t’adore et t’em-
brasse bien fort en attendant impatiemment la joie de te revoir
. Je t’aime de toutes mes forces et ne cesse de penser à toi.
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