Recto
(vous pouvez cacheter vos lettres) 9 décembre 1914
Chère femme, parents, oncles et frères
Je viens de recevoir vos lettres du 2 et du 3 décembre,
je suis bien content d’apprendre de bonnes nou
velles de vous tous car la dernière lettre que
j’avais reçu de vous était datée du 26 ce qui fait
6 jours sans avoir une lettre de vous, j’ai
trouvé ce temps bien long, sûrement qu’une
de vos lettres se sera égarée car vous n’êtes
pas restés si longtemps sans m’écrire. Je ne
suis pas malade, mais assez fatigué car la nuit
passée nous sommes restés sur le qui-vive toute
la nuit ; heureusement que cette nuit ce sera
mon tour de me reposer sans prendre de garde
à moins que les bôches viennent encore nous
embêter. Mes douleurs m’ont quelque peu
passé, je ne sais si c’est que je n’ai pas le
temps de les sentir car quand on n’est pas de
garde on cherche à assainir quelque peu notre
Centre gauche
tranchée qui est envahie par les eaux, car
depuis 3 jours que nous occupons les avants-postes
3 jours nous, ou plutôt 3 nuits nous avons eu
la pluie, ce qui n’est pas du tout agréable, le
terrain étant agréable argileux on marche
dans une boue glissante, on s’y enfonce jusqu’aux
genoux chevilles et dans la nuit quand on se
relève on se fiche facilement par terre. Les
bôches sont tout près de nous et des coups de fusil
partent de côtés d’autres sans faire beaucoup
de victimes. La nourriture pour le moment,
peut-être que çà s’améliorera, n’est pas fa
meuse et guère abondante, heureusement qu’il
me restait un peu de fromage et du saucisson
et qu’un membre de l’association dont je vous
ai parlé dans ma lettre d’avant-hier a reçu un
morceau de jambon exquis nous allons le
finir ce soir, après cela il nous restera 3 boites
de conserves qu’il a aussi reçues et c’est le fond
de notre garde-mangé. après nous attendrons
l’ordinaire qui je l’espère se fera meilleur.
Centre droit
Ma chère femme : je suis content de savoir
que tu te porte toujours bien ainsi que notre
petit Zizou que je voudrais bien entendre
quand elle appelle son papa, elle profite toujours
et devient toujours de plus en plus drole, intel
ligente et forte. Comme le temps de me dure de
vous revoir toutes les deux, comme je serai heu
reux ce jour-là et comme je l’attend ce mo
ment de joie indéfinissable qui nous réunira
tous . Je pense comme toi ma Jeannot, sou
vent je pense au bonheur passé et sans cesse
j’envie le bonheur futur. Il faut attendre la
fin de cette maudite guerre et la fin n’est pas
proche et il faut s’armer de beaucoup de
courage et de patience pour arriver jus
qu’au bout, jusqu’au moment de la liber
té qui me permettra de vous rejoindre et de re
prendre notre vie heureuse si brusquement inter
rompue. Au revoir ma chère Jeannot, je ne te
fais pas du mauvais sang pour ton frère, peut
être est il à l’abri. En attendant de te relire
Verso
à nouveau et le plus tôt possible ton petit homme
t’embrasse bien tendrement ainsi que notre petite
Zizou. Je vous envoie mes meilleurs baisers et
mes plus douces caresses. Soigne bien notre enfant et
l’oncle si bon pour nous.
Cher oncle : j’espère que ma lettre te trouvera
toujours bien portant ainsi que mes parents et l’on
cle de la Craze. Je ne sais comment te remercier
pour toute la bonté que tu as pour nous. Je ne
savais pas que notre chère petite Zizou était déja
si riche, je te remercie de tout mon cœur et je
souhaite de pouvoir te montrer ma reconnais
sance le plus tôt possible. Je suis aussi bien con
tent que mes parents est pû tuer un cochon, au
moins ils seront à l’abri de la faim du besoin pour cet
hiver et pourrons se débrouiller et j’espère de
maître Joanny se débrouillera à trouver une
occupation quelconque à seul fin de n’être pas
à leur charge. Tu leur diras bien des choses de
ma part ainsi qu’à l’oncle de la Craze. En atten
dant de vous relire à nouveau. Je vous embrasse tous
bien fort
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