Recto
. Juillet 1915
. Ma Jeannot
. bien aimée
. Je n’ai encore rien reçu
de toi aujourd’hui. J’espère que
malgré cela ma lettre trouvera
toute la famille en excellente
santé et ma femme chérie moins
dure pour son Simon qui recon-
nait ses torts et qui attend le
pardon qu’il a déjà demandé.
Je ne suis toujours pas bien a
Centre gauche
mon aise. je suis bien ennuyé
la sottise que j’ai faite me coûte
cher et j’attend avec impatience
et anxiété une lettre qui
m’apprenne que ma Jeannot
ne me tient pas rigueur et m’aime
assez pour oublier le mal que j’ai
pu lui faire et cela presque in-
volontairement. Souviens-toi du
passé ! ma chère femme et ne
condamne pas l’avenir. Je t’aime
de toute mes forces et le plus grand
malheur qui puisse m’arriver
est de perdre ton amour et ton
affection . La vie me semble
impossible sans mon amie du
bois, sans notre enfant fruit d’un
amour vraiment grand et sincère
centre droit
Nous avons été heureux, nous le serons
encore et pour cela je ferai l’impossible.
Mais-y du tien ! pardonne !… Je ne
t’ai jamais tant aimée… Jamais je n’ai
tant compris la force des sentiments qui
m’attachent à mes deux êtres chers à mes
deux gosses que je brûle de revoir. Ne me
fais pas souffrir plus longtemps, ne sois
pas méchante. Tu me dis que tu souffre
autant que moi : si l’en est ainsi je te plains
et c’est une raison de plus pour oublier ce qu’il
peut y avoir eu de mauvais entre nous et ne se
souvenir que de ce qu’il y a eu et ce qu’il
peut y avoir de bon. Si tu m’aimes réelle-
ment, ma Jeannot, tu m’écriras une lettre
bien tendre pour me pardonner et m’em-
pêcher de devenir fou car réellement je
crois que je le deviendrais s’il me fallait
endurer longtemps ce que j’endure en ce
moment. J’attend ma chérie ! Je t’aime
sans toi et notre Zizou si gentille la vie
n’est plus rien pour moi. Maudite
verso
guerre ce qu’elle m’aura fait souffrir ! Quand
donc finira-t-elle ? Hélas !… ça menace de durer
encore longtemps.
Nous sommes toujours aux avants-postes et
nous supportons journalièrement les bombarde-
ments que les bôches ont bien l’honneur de nous
faire ; les obus qu’ils ne nous ménagent pas
tombent très près de nos postes et les débris de
l’explosion tombent dans le chemin creux
où j’habite. nous avons la chance avec nous
car personne n’a été touché et il faut bien
espérer que nous retournerons au village sans
rien avoir à déplorer. Mon camarade Cour-
tial est revenu de permission, il n’a pas
pu passer à Moingt, il est content des
quelques jours heureux passés près les siens
mais il n’est guère content d’être de retour,
il t’envoi bien le bonjour, ainsi que mon
autre ami Giraud ; quand au troisième,
Barnay il esr resté au village il fait le
garde magasin, il est tranquil car il a trou-
vé la bonne place
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On a pu s’étonner de la demande d’une « paire de petits ciseaux » faite par Simon il y a quelques semaines. Cette lettre non datée, mais probablement du 22 juillet, nous donne la réponse : il ne se contente plus de décorer avec quelques fleurs séchées, il s’adonne maintenant, pour personnaliser ses lettres, à l’art du papier découpé ou Jianzhi, art chinois qui remonte au VIème siècle…
La beauté et la finesse de cette bordure laisse supposer que Simon n’en est pas à son coup d’essai….
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