Recto
Lundi 5 mars 1917
. Ma gentille petite fenotte
. Je n’ais rien reçu de toi aujourd’hui. J’attend
demain impatiemment pour pouvoir te lire.
. Mamour. Nous avons un bien vilain temps
Cette nuit ça a tombé de la neige, qui dégèle a
présent ce qui fait énormément de la boue
. Je me porte toujours bien mais je suis comme
le temps : horriblement triste ! Je ne sais ce que j’ais
aujourd’hui. Je suis seul en ce moment. Je viens
de penser à tout notre bonheur passé, à toutes nos joies
à tout ce qu’il me tarde de voir revenir. J’ais regar-
dé les images de mes deux gosses chéries ; de mes deux
êtres si chers et loin desquels il m’est si dure de
vivre. Nous serions si heureux si cette maudite
guerre terminait. Combien nous faudra-t-il vivre
encore de temps séparés. Je suis bien las… aujour-
d’hui plus que de coutume. J’ais de bien tristes réflexions
un cafard terrible. Je n’aurais jamais cru que la
vie nous réservait de si cruelles épreuves ma Jeannot
chérie. Quand je pense que c’est la troisième année
que nous vivons ainsi bien loin l’un de l’autre n’ayant
que nos lettres pour échanger nos pensées, nos espoirs
et calmer nos angoises. Je suis presque découragé
et j’ais peur… Aurais-je le bonheur d’échapper
jusqu’au bout au danger. Aurons- nous la chance
d’êtres réunis à nouveau et de revivre tout notre
bonheur, toutes nos joies. Ça serait si bon… je
t’aime tant. Oh oui je t’aime… plus que tu ne
le crois sans doute… Tu es tout pour moi, avec
notre gentille petite Zizou qui me rappelle de bien
beaux jours, les plus heureux de tous ceux que j’ais
vécu jusqu’ici, quel différence avec le présent si
amer et cruel… Aimer, se savoir aimé et passer sa
vie loin de toute affection, de toute tendresse, dans
l’attente d’évènements qui pourraient nous rendre tout
notre bonheur, mais qui – hélas…- ne se produisent pas.
N’aurons-nous pas bientôt assez souffert et ne serait-il
pas justes que nous soyons heureux. Avons-nous mérités
de souffrir de la sorte ? … Non… ! nous sommes les victi-
mes des ambitieux responsables de cette terrible catastrophe
déchainée sur le monde entier. Il n’y a pas de châtiment
assez terrible pour expier pareil crime.
. Je suis fou de penser à tout cela, je ne sais ce
que j’ais aujourd’hui. Ça n’avance à rien de se faire
du mauvais sang. Mais c’est au dessus de notre
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volonté. On a beau se dire qu’il faut être fort
pour supporter l’adversité, on a toujours quelques
défaillances. Et puis cette situation douloureuse
a déjà bien trop durée, il serait grandement
nécessaire qu’elle prenne fin…
. Au revoir ma bien chère petite femme.
J’espère que demain je pourrais te lire et avoir
de bonnes nouvelles de mes deux gosses dont les
caresses me manquent. Quand aurais-je la joie
de vous revoir et celle bien plus grande encore
de reprendre ma place pour toujours près de
vous. Je ne pense qu’à cela – j’attend…
. Mille bisettes à notre Zizou. Bonjour
à ta mère et à toute la famille. Bonne
chance à tous
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. Aujourd’hui j’ais reçu une lettre du Louis. II me
donne de bonnes nouvelles de la famille et me dit
quand revenant de permission il est passé par
Belfort et a eu la chance de passer deux heures
avec Georges qui est toujours en bonne santé et
ne s’en fait pas.
. Je t’aime de toutes mes forces, de toute
mon âme, de tout mon cœur plein de toi.
Je souffre cruellement de notre séparation
et de cesse de penser et de désirer l’heureux
jour qui nous réunirait pour toujours.
. Je t’embrasse bien fort sur ta bouche,
partout ta chère figure et t’envoi mes plus douces
et plus tendres caresses. Souviens-toi !
. Je t’aime… Je suis tout à toi et ne puis
être heureux que par toi.
Ton Simon Collay
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