Recto
. 7 mai 1917
. Ma Jeannot chérie
. Je viens de recevoir à l’instant ta lettre
du 25 courant que j’ais lu avec beaucoup
de plaisir d’apprendre de vos bonnes nou-
velles de tous et de savoir que la santé se
maintient toujours très bonne pour mes
deux gosses chéries que j’aime plus que
tout au monde. Je te remerci beaucoup
pour les deux trèfles a quatre feuilles que
tu m’envois J’espère et je souhaite qu’ils
nous porterons bonheur à tous et que
nous pourrons vivre de beaux jours heu-
reux, tendrement unis après cette terrible
guerre qui nous fait tant souffrir. Vivement
qu’elle nous soit rendue cette paix que
nous attendons depuis si longtemps. Je
suis très très impatient. Je m’ennui et
[…….] loin de vous vos caresses me
manque cette vie de brûte me dégoûte
[ ] grandement besoin qu’elle cesse mais
malheureusement je ne vois pas encore
la fin proche. Ce ne sera encore pas pour
cette année. Pourtant ! Ce serait nécessaire
je crois. Enfin ! Attendons et patientons
puisque nous ne pouvons faire autre chose
Tu me dis que les hommes récupérés sont
rentrés et qu’il y en a une pleine caserne
et dans deux ou trois cantonnements.
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Tu me demande ce qu’ils veulent faire de
tout ce monde. Ce n’est pas difficile à com-
prendre : ils veulent en faire de nouvelles
victimes, il n’y en a pas encore assez, pa-
rait-il… Il en tombe tous les jours, les mas-
sacres ne s’arrêtent pas et pour peu que la
guerre dure un an de plus on rama ramas-
sera les boiteux et les bossus, jusqu’à ce
que la race française ne soit plus qu’une
race apauvrit de bancals et estropiés. Il
fait grandement besoin que ça finisse bientôt :
cela est nécessaire pour que la misère soit suppor-
table le lendemain de la Paix.
. Mamie chérie. Tu me dis que notre Zizou
se porte toujours bien que ça petite langue tourne
à merveille ; mais elle fait toujours pipi au lit plus
ou moins ça fait des périodes. Ça a sans doute ten-
dance à lui passer et ça finirait bien sans quoi
il faudra revoir le docteur car elle se fait grande
et ça devient inquiétant.
. Moi je me porte toujours bien. Hier
soir nous avons déménagé mais nous som-
mes venus coucher pas loin dans les ruines
d’un village à quatre kilomètres d’où nous
étions. Nous devons nous remettre en route
dans la nuit je ne sais pas à quelle
heure. Aujourd’hui nous nous sommes reposés
[ ] tranquils. Il fait très chaud
[ ] ; heureusement qu’on nous fait
marcher la nuit sans quoi nous ne serions
[ ] sur les routes avec tout notre four-
bi sur le dos. Nous avons une vingtaine de
kilomètres à nous payer cette nuit. Nous de-
vons arriver dans la matinée de demain a
notre lieu de destination où nous ne resterons
sans doute pas longtemps. On dit que nous y
resterions cinq jours après quoi nous remon-
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terions en ligne à droite d’où nous étions. Tout cela est
plus ou moins sûre et il ne faut pas s’y fier.
. Au revoir ma Jeannot des bois. Embrasse
bien notre Zizou pour moi. bien le bonjour
à ta mère, à ta grand-mère et à toute la famille.
Bonne santé et bonne chance à tous. Et au plus
vite la fin de cette maudite guerre.
. J’attend avec beaucoup d’impatience que
vienne mon tour de partir en permission pour
embrasser bien fort ma Jeannot et notre gentille
gamine. Il me tarde de vous revoir et de goûter
vos caresses.
. A demain petite fenotte. Je pense
à toi constamment et ne cesse de désirer l’heu-
reux jour qui nous réunira et nous rendra
tout notre bonheur.
. Ton Simon qui t’embrasse des millions
de fois bien fort sur tes lèvres souviens-toi
les jours heureux ! Je t’adore et j’attend
N’oubli pas Simon Collay
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