Recto
27 Mai 1915
Ma Jeannot chérie
Hier soir j’ai reçu ta lettre du 22
mai. Comme je me préparais à t’écrire
nous avons reçu un ordre pour nous
rendre directement aux tranchées.
C’était le soir et toute la nuit des hom-
mes du 38 du 71em et du génie devaient
travailler à la confection d’un grand
boyau qui devait relier deux postes
Il était à redouter que les bôches
s’apperçoivent de ce travail, voilà pour-
quoi on a fait monter les brancardiers
Hélas ! par malheur, l’accident s’est
produit alors que le travail commen-
çait à prendre de l’aspect ; les bôches
se sont mis à canoner les travail-
leurs. Résultat 3 morts, 30 et quel-
ques blessés dont plusieurs ne se sauve-
ront pas. Qu’elle triste chose que la
Centre gauche
guerre. Que de victimes. Quand donc
ça finira-t-il ?
Ma Jeannot : j’ai en effet reçu ta
lettre m’annonçant la triste nouvelle
de la mort de ton frère, tu peux croire
que ça m’a beaucoup peiné quoique,
après être resté si longtemps sans nouvelles
je m’attendé un peu à cela. Ta mère
doit en effet être bien triste, cela se
comprend mais il faut tâcher de la
surmonter et je lui écrirai une lettre
comme tu me le dis.
Tu me dis que tu t’ennui horrible-
ment. Certe pas plus quoi que moi
car la vie que je mène loin de toi et
de notre enfant, loin de tous ceux qui
me sont chers. Loin de toute caresses
de toute affection ; cela n’est point fait
pour rendre gai. Vous devez aller
à St Etienne, où plutôt vous avez
du y aller, sans doute vous prome
ner, je souhaite que votre promenade
Centre droit
soit éteé bonne.
Ma femme n’oublie pas que
j’attend tes lettres toujours avec beaucoup d’im
patience, c’est si dure de vivre loin de
vous que les seuls bons instants sont
ceux que je passe à vous lire. Tu as l’air
de t’ennuyer d’écrire souvent, une
correspondance continue a l’air de
te fatiguer il y a déjà si longtemps
qu’on ne s’est vu que le souvenir de
celui qui t’aime par-dessus tout, com
mence peut-être à se ternir un peu
Je me trompe sans doute et mon caractère
aigrit par cette triste existence me
fait-elle fait-il voir les choses un peu
en noir. Oui ! car Jeannot ne peut
pas oublier toute notre tendresse et
la l’amour si grand qui nous a uni.
Ecris moi souvent : Ma Jeannot
la vie est si triste sans toi sans notre
Zizou, j’ai le cœur bien gros et bien
souvent les soirs, couché sur la paille,
les larmes coulent au souvenir de
Verso
tant de bonheur passé comparé à la
triste réalité. Oh ! que c’est dure
Essayons de patienter peut-être bien
tôt aurons-nous de bonnes nouvelles nous
faisant espérer que le jour du retour est
proche. En attendant ton Simon
qui t’adore t’embrasse de tout son
cœur plein de sa Jeannot et de sa Zizou,
des beaux souvenirs.
Bien des choses à l’oncle que j’em
brasse bien fort et que j’espère, ma
lettre trouvera en très bonne santé.
la même chose à tous nos parents
et amis. Au revoir à tous
Vivement que cette maudite guerre
finisse et que nous soyons réunis
que notre bonheur nous soit rendu
Celui qui vous aime et vous
embrasse bien fort
Votre Simon Collay
Un million de baisers et de douces caresses
à mes deux chéries
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