Recto
. 27 juillet 1917
( en haut à gauche : Ton/
Simon / Collay )
. Chère petite femme
. Je viens de recevoir à l’instant ta lettre du 23
courant. Je suis content de pouvoir te lire régulière-
ment et d’avoir de vos bonnes nouvelles à tous. Vous
vous maintenez en bonne santé et ton travail
marche bien. Tant mieux ! Il est à souhaiter
que sa se maintienne ainsi. Tu me dis qu’il
fait très chaud et que c’est très pénible pour toi
pour faire la route à midi. Ici c’est pareil
il ne fait pas froid mais pour le moment nous
sommes bien à l’ombre dans un bois .
. Nous n’avons pas encore monté en ligne.
Nous n’irons peut-être pas encore de cette nuit
mais l’autre nuit. Nous ne savons rien de pré-
cis et les ordres sont vite arrivés et vite changés
. Rien de nouveau depuis hier. Je me porte
toujours bien, mes douleurs ne me font plus
souffrir. Espérons qu’elles me laisseront tran-
quill le plus longtemps possible.
. Mamie ! tu me demande ce que c’est que
le petit dépôt ou dépôt divisionnaire. Voila
à peu près : c’est là que ceux qui ont été mala
des ou blessés vont rejoindre en revenant de
l’hôpital ou de convalescence, ce petit dépôt
ne monte pas en ligne, il suit le régiment dans
ses déplacements mais il est toujours un peu
à l’arrière. On y fait de l’exercice et de l’instru-
ction. Quand le régiment a prit la piquette et
qu’il a besoin d’hommes le petit dépôt lui les
fournit. On peut y rester longtemps, on peut
n’y rester que deux jours ça dépend de beau-
coup de choses : les évènements et le degré de pleu-
trerie de ceux qui y sont. Quand ils ont voulut
faire quelque chose pour nous qui sommes au
front depuis le début, ils ont résolut de nous
envoyer pour deux mois au petit dépôt. Mal-
heureusement ça n’a pas beaucoup de succès
il devait en partir une quinzaine par compa-
gnie, finalement comme [ ???] qu’il n’y en a
eu que 5 ou 6. Il n’y en avait pas assez au petit
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dépôt pour les remplacer. Pour moi voilà ce qui
m’est arrivé j’allais au petit dépôt en remplace-
ment d’un brancardier qui devait venir prendre
ma place ; seulement la veille de la relève le brancar-
dier s’est débrouillé avec le major du dépôt et s’est
fait baptiser infirmier. Quand je suis arrivé pour
prendre sa place le major n’a rien voulu savoir
de sorte que j’ai été obligé de revenir à mon ba-
taillon con comme la lune. J’aurais été tranquil
comme brancardier au petit dépôt mais voila
ce qui y sont s’y trouvent bien, les embusqués
sont toujours les mêmes et toujours ce sont les
mêmes cons qui vont de l’avant : Egalité. Frater-
nité. Je ne parle pas de la liberté, ce n’est guère la pei-
ne. On t’aurait dit que les permissions seraient
avancées d’un mois. Les cousins pensent y retour-
ner le mois prochain. Je ne sais comment ça se
passe ailleurs mais pour nous il n’en est pas ain-
si, à moins de changement. Il y a quelques jours
on nous a lu au rapport que le sixième tour
ne reprendrait pas avant le mois d’octobre.
Tu vois que pour nous on n’a rien avançé du
tout. Enfin ! prenons patience puisque nous
ne pouvons faire autre chose. Le temps me
dure pourtant bien de revoir mes deux gosses
chéries de les biser bien fort, de goûter leurs ca-
resses et de leur prodiguer les miennes . Mal-
heureusement il faut attendre toujours atten-
dre. Je me demande si à force d’attendre on ne fini-
ra pas par devenir enragés et par mordre les bergers
Quelle vie ! Quels seront les résultats de tant de
sacrifices et de souffrances de toutes sortes : la misère
pour beaucoup, il y a beaucoup de chances Vive-
ment bien vivement la Paix, elle devient de plus
en plus nécessaire.
Mamour. Notre chère petite Zizou est tou-
jours bien portante et dégourdie, tu me dis
qu’elle n’a pas oublié son papa et qu’elle
l’aime bien… seulement ça l’intrigue que
je ne reste que quelques jours près de vous pour
vous quitter pour si longtemps. Chère mignonne
elle ne comprend pas combien cela m’est dure de
vous laisser pour aller mener une pareille vie
de brigand, de brute ; elle ne comprend combien
je souffre de me sentir si loin de vous d’être privé
de votre tendresse, de vos caresses qui ont tant de
prix pour moi. et voilà trois ans que ça dure
et ça n’a pas l’air d’être fini. Pourrait-on trouver
un châtiment suffisant pour les responsables d’une
si horrible chose. il faut qu’il y ai réellement des gens
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bien ciniques et bien lâches. Enfin ! nous ne pouvons rien changer
à tout cela : supportons, courbons l’échine, sacrifions-nous pen-
dant que ceux qui se gosse de nous ramasse le pognon à l’arrière
. Au revoir petite fenotte. Embrasse bien notre gamine
pour moi qui ne cesse de penser à vous et de désirer l’heureux
jour qui nous réunira pour toujours que la chance ne nous
abandonne pas et peut-être que nous aurons encore de beaux
jours à vivre ensemble. Nous vivrons pour nous, en égoïstes
puisque c’est le règne de l’égoïsme et des appétits.
. Bien le bonjour à ta mère, à ta grand-mère, à mes
parents, à toute la famille. bonne santé et bonne chance
à tous et que j’ais le bonheur de vous revoir le plus tôt
possible, je ne cesse d’attendre
. A demain ma Jeannot des bois ton petit mari qui
t’adore de toutes ses forces, de tout son cœur, t’envoi ses
meilleures caresses, ses plus douces bisettes, souviens-toi
les 7 jour si vite passés. On est si bien près de toi, tes
caresses sont si douces, tes baisers si bons. Hélas ! le bonheur
est si court et la séparation si longue et si cruelle. Pourquoi
qu’avons-nous fait pour que nous ayons à supporter de
si cruelles épreuves. Notre gosse a quatre ans et c’est à pei-
ne si j’ai pû la connaitre. Il me faut vivre loin de ce que
j’ais le plus cher. Vivement… Vivement la fin de cette sépa-
ration. La Paix au plus tôt. Je crois qu’elle devient né-
cessaire.
. Ton Simon qui ne peut être heureux que près
de toi et qui attend impatiemment la fin de ce terri-
ble cauchemar.
. Je t’embrasse bien fort des milliers de fois sur
ta bouche, partout ! Souviens-toi ! N’oubli pas
. Je t’adore passionnément, tu es toute ma vie,
toute mon ambition. Que nous serions heureux si cette
guerre maudite finissait. J’embrasse bien fort les quelques
fleurettes que je joins à ma carte, bise les toi aussi en pensant
à ton petit homme qui t’aime tant. Envoi moi quelques fleurettes
toi aussi.
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