Recto
. 26 février 1917
. Ma Jeannot chérie
. je viens de recevoir à l’instant ta lettre
du 22 et ta carte du 23. J’attendais de te lire
avec impatience car çà faisait deux jours que
je n’avais rien reçu. Je suis content de vous
savoir tous en bonne santé. Notre Zizou
est comme moi, elle tousse toujours, ce ne
sera rien, le beau temps fera passer çà.
. tu travaille toujours onze heures, il
te faut encore faire la route ta journée
en effet est bien remplie et je comprend
que çà te fatigue un peu. Que veux-tu !
Nous ne sommes que des ouvriers, nous ne
pouvons vivre sans rien faire. Si seule-
ment cette guerre finissait, çà ne nous
empêcherait pas d’être heureux. Mais
quand finira-t-elle ? – C’est a n’y rien
comprendre.
. Vous ne pouvez plus trouver du pé-
trole. Tout va donc finir par manquer :
charbon, pétrole, sel, poivre, moutarde,
sucre. Tout ceci manque dans beaucoup de
d’endroit. Je me demande si çà continue
de ce train, ce que çà va faire. Allez-vous
êtres obligés de serrer la ceinture ce serait
le comble. Mais çà ne m’étonnerait pas
. Enfin ! Attendons – soumettons-nous
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puisque nous sommes trop lâches pour faire
autre chose. il y en a bien mare pourtant.
. Tu me dis que ta mère fait travailler la
vigne. J’espère que la gelée ne lui aura pas
fait de mal et que la prochaine vendange
vaudra au moins celle-ci.
. Mamie chérie tu ne veux pas que je
me fasse couper la moustache. Tu me le
dis un peu tard car je n’en ai plus, elle
est rasée. J’ais voulu essayer, mais je veux
la laisser repousser car il faudrait que je
me rase trop souvent, autrement çà fait
vilain. Et puis tu ne le veux pas je vais
donc la laisser repousser. Je me suis pas
mal fait chiner par les camarades. Il y en
a qui m’ont dit : tiens c’est un nouveau
de la classe 17. D’où viens-tu le bleu.
D’autres : bonjour monsieur l’aumonier
ou encore : bonjour fifille. Un jour que
j’étais aux cuisines le lieutenant est ren-
tré et a demandé : qu’est-ce que c’est que
tout ce monde et a chaque poilu : Qu’est-ce
que tu fais. A moi : qui est-tu ? – Collay
brancardier A c’est vrai ! Je ne te recon-
naissait plus à présent que tu t’ais fais
raser les moustaches. Le lendemain je le
trouve dans la rue et je toussais. Il m’a dit :
tu es enrhumé. Pourquoi t’ais-tu fais couper
les moustaches. C’est çà qui fait que tu es
enrhumé. Je ne crois pas moi que çà soit
de là que je tousse… il y a assez d’autres causes
sans celle-là.
. Rien de nouveau depuis hier. La santé
n’est pas trop mauvaise. Aujourd’hui je
ne suis pas allé au travail. J’ais fais des
feuillées au cantonnement et désinfecté un
peu partout. Ce matin il a plus un
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peu. cette après midi nous avons un peu de soleil.
Çà fait plaisir. Il y a toujours beaucoup de boue
Elle n’est pas près d’être sèche.
. Au revoir petite fenotte. Embrasse bien notre
gentille Zizou pour son papa. Bonjour à ta mère
et a mes chers parents. C’est étonnement que tu ne
sache pas encore que le gosse du Louis est au monde
. J’espère que demain il me sera encore possible
de te lire et d’avoir de vos bonnes nouvelles à tous
. Ton petit homme qui pas un instant ne
vous oublie. Je t’adore, ma Nonot. Je t’aime
de toutes mes forces et je t’envoi mes meilleures
caresses et mes plus douces bisettes. Comme pour
les 7 jours. Je t’embrasse bien fort sur tes lèvres
et aussi à ton cou à l’endroit qui porte
encore la trace de nos dernières caresses.
Vivement que nous soyons à nouveau
réunis. Nous serions bien heureux. Que c’est
long cette séparartion.
. Ton Simon tout à toi, mamour et
pour toujours. Je t’aime comme on ne
peut aimer qu’une fois. J’attend impa-
tiemment. Simon Collay
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