Recto
. 23 avril 1917
( en haut à gauche :
je te renvoi trois de tes lettres et une
carte. N’oubli pas de me dire quand
tu les recevras. – Je n’ai pas besoin de chaussettes. Ne m’en envoi pas)
Ma Jeannot bien-aimée
. J’ais reçu hier soir ta lettre du 18 et
ta carte du 19 de ce mois. Je suis content d’avoir pu
te lire et avoir de bonnes nouvelles de tous ceux que
j’aime. Je vois avec plaisir que le temps s’est amé-
lioré vers vous comme ici. Tu me dis que la vigne
ne bouge pas, peut-être que s’il continu de faire
beau elle reprendra de la vigueur. Espérons-le q car
ce serait vraiment trop embêtant si la vendange était
complètement compromise. Ton travail marche
assez bien pour le moment. Je souhaite que ça
dure et que ça ne se retourne pas démanché.
. Je me porte toujours bien. Hier soir nous
avons déménagés mais nous ne sommes pas allé
loin et c’est à peu près pareil, sauf que la compa-
gnie n’est pas aux postes avancés. Nous
sommes logés de la même façon qu’où nous
étions. Nous avons tout de même un grand
avantage, c’est de manger deux fois par jour
et c’est un peu chaud tandis que les jours
passés c’était tout froid.
. Tout à l’heure je me suis débarbouillé
dans un entonnoir formé par une mine que
les bôches ont fait exploser pour couper la gran-
de route. Ça forme un trou énorme et l’eau
de pluie s’y est amassée si bien qu’il y avait
bien une vingtaine de copains qui se lavaient
en même temps que moi. Ce n’est pas malheu-
reux que j’ais pu me laver, j’avais la figure
raide. Je me suis aussi rasé ce qui fait que je
suis plus à mon aise. Aujourd’hui nous avons
encore bien beau temps et ça fait énormément
plaisir.
. Hier soir en même temps que ta lettre. J’en
ais reçu une de mon père, une du Georges et une
du Louis ; tout à la fois tous me parle de la
fin prochaine de la guerre. Est-ce qu’il la sente
Verso
moi je ne la crois pas si proche que cela. Mon
père me donne de bonnes nouvelles de la famille. ll me
dit que la vie devient de plus en plus difficile et me
parle de la future femme du Georges qui a l’air de lui
convenir. Georges m’écrit qu’il est toujours au même
endroit et fait toujours le même travail. Il s’attend d’aller
dans une autre direction d’un jour à l’autre. Il commen-
ce à se plaindre de la nourriture et il me dit qu’il verse
tous trois sous par jour pour l’améliorer sans quoi
ils la pilerait. Il n’a encore rien vu ; qu’est-ce que ce sera
si jamais il prend part à la vie qui nous ait faite. Il
me dit qu’ils ont toujours un sale temps. Il pense que
la fin de la guerre n’est pas loin. Louis lui me dit
qu’il revient de perm et me donne de bonne nouvelles
de toute la famille que tu allais bien et que Zizou
est toujours bien diable et bavarde, un peu trop
même. Il vous envoi bien le bonjour. Il paraitrait
que Claudius Morel qui est prisonnier en Allemagne,
aurait écrit qu’il espérait se trouver avec son frère
dans trois mois. Le fils Duchamps qui lui aussi est
prisonnier aurait écrit qu’il serait chez lui pour
ramasser les pommes de terre. Si c’était vrai…
J’en doute encore… Enfin ! Espérons toujours !
. Au revoir ma Jeannot chérie. Embrasse
bien notre Zizou pour son Papa de la guerre qui
voudrait bien être son papa de la paix.
. Bien le bonjour à ta mère, à mes parents
à toute la famille. Vivement… bien vive-
ment que cette Paix dont tout le monde parle
nous soit enfin rendue. Quel bonheur serait
le notre que d’êtres à nouveau réunis. Quelle
joie ! … Que la chance soit toujours avec
nous jusqu’au bout, qu’il nous soit per-
mi d’êtres encore heureux et d’êtres tous les
deux pour faire une grande fille de notre
Zizou.
. Ton Simon qui t’adore de toute son âme
et qui t’embrasse bien fort en attendant l’heu-
reux jour de la paix. Je t’aime… J’attend
N’oubli pas… attends-moi !
A demain… Mes plus douces caresses à mes
deux gosses chéries. Simon Collay
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