Recto
22 mai 1915
Chère femme, chers oncles
chers parents
Je viens de recevoir votre lettre
du 18 mai. Je suis très heureux d’ap-
prendre que vous vous portez bien tous et
que tout marche bien dans la famille,
dans la colonie du quai St Jean dont le
directeur est à la hauteur de sa tâche qu’il
accompli toujours avec bonté. Je suis content
que ma chère petite Zizou continue à bien
se porter et a progresser ; elle doit être bien
drôle et je désirerais bien pouvoir m’en
rendre compte mais malheureusement il
me faut encore attendre et patienter avant
d’avoir le bonheur de vous revoir tous et de
reprendre ma place près de vous.
Cher oncle tu me fais savoir que l’an-
niversaire de tes 56 ans t’avais été souhai
té et que ton patron t’avait fait un ca
deau à cette occasion. Je suis en retard
mais les souhaits que je t’envoi n’en se-
Centre gauche
ront pas moins sincères. Je te souhaite donc
une bonne santé durable, une bonne humeur
de la chance et que ton travail te soit toujours
facile et sans difficultés et qu’ à mon retour
je retrouve toute la famille réunie sans
qu’aucun de ses membres n’ai eu trop a
souffrir de cette affreuse situation. Je suis aussi
très content de voir que ma Jeannot chérie
s’accorde bien avec madame Berger à qui
vous direz bien des choses de ma part, de
même qu’à monsieur Chabert dont j’espère
toute sa famille en très bonne santé.
J Tu me dis que le voisin Ollagnier est re-
parti sans doute pour retourner au feu. Je
souhaite de tout mon cœur que tous se
passe bien pour lui et que sa femme
et ses enfants auront le bonheur de le re-
voir sauf sain et sauf à la fin de cette
terrible épreuve si dure pour tout le pauvre
monde. J’espère que le fils Chanve se
tirera le mieux possible de ses blessures .
Je souhaite aussi que cette maudite fau-
cheuse s’arrête dans sa terrible besogne
et laisse enfin revenir la Paix la tran-
quilité et le retour aux bons sentiments
qui tentent à disparaitre de plus en plus
Beaucoup de femmes oublient leurs devoirs
et oublient les absents dont beaucoup au
retour de si terribles épreuves auront encore
la douleur de voir leur foyer détruit, leur
Centre droit
bonheur envolé. Aussi je me trouve des
heureux car je n’ai aucune appréention
au sujet de ma chère femme que le temps
me dure de revoir, comme vous tous du reste
Tu me dis que les départs continuels de
troupes hâteront la fin du carnage. Hélas !
depuis le temps qu’il en part, depuis longtemps
dix mois qu’il y a des victimes. Rien hélas !
nous fait espérer que bientôt nous aurons une
grande joie. C’est toujours pareil. L’Italie
fait beaucoup de bruit mais ne se presse pas
à nous aider. La Paix vivement, que nous
soyons enfin rendus à nos familles inquiètes
J’ai reçu une lettre de mon frère Joanny
en même temps que la votre, il me don
nent de bonnes nouvelles de toute la famille
il me fait savoir qu’il fait toujours les fon-
ctions de policier et qu’il fait tout son possi
ble pour mettre ses actes en accord avec
sa conscience. J’espère bien qu’il en sera
toujours ainsi et que jamais un Collay
ne se noirçira la conscience. Vous le re
mercierez pour moi, vous lui direz que
ses lettres sont les bienvenues et qu’il fasse
son possible pour m’écrire le plus souvent
possible. J’embrasse bien fort mon père
et ma mère que j’espère toujours bien
portants. Je suis heureux que leur travail
marche un peu mieux. Que la fin vienne
Verso
vite et qu’ils puissent reprendre leur tranqui
lité eux aussi.
Ma Jeannot chérie : ton petit homme
qui t’aime toujours bien et qui ne vis que
pour toi et notre Zizou, t’envoi ses plus
douces caresses et ses meilleurs baisers.
Souviens-toi de nos beaux jours passés.
N’oubli pas que tout notre bonheur
peut revenir. Sois toujours mienne
sans réserve. Sois toujours ma Jean-
not des bois comme je suis ton Simon
qui t’adore et qui serait malheureux
de ne pas toujours avoir toute ta
confiance. Je souffre loin de toi, nul
joie n’ai possible pour moi sans
ma Jeannot et ma petite Zizou.
Je vous aime tout plein et j’attend
Bien le bonjour à ta mère et dis-lui
de patienter et d’espérer jusqu’à preu
ve du contraire. Je souhaite de pouvoir
serrer la main à mon beau-frère le jour
du retour.
Au revoir à vous tous que j’aime
Que la guerre finisse vite et que notre
bonheur nous soit rendu
Votre mari, fils, filleul, neveu, frère
gendre qui vous aime et vous embrasse
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