Recto
. 20 octobre 1917
. Ma Jeannot chérie
. J’ais reçu ce soir ta lettre du
16 courant, c’est avec plaisir que je
l’ais lue. Je suis content de savoir
mes deux gosses chéries en bonne san-
té ; notre Zizou, me dis-tu, est tou-
jours bien diable, elle te fait tou-
jours des sottises et n’a pas aban-
donné l’idée du cheval mécanique
Chère gamine elle croit que c’est dé-
sirs sont facilement réalisables,
elle est à l’âge heureux où l’on igno-
re tout chagrin ; elle se porte bien
c’est le principal pour le moment,
la raison viendra insensiblement
. Et toi petite fenotte ! Tu me dis
que tu as fini le jupon de notre dia-
blotin mais que tu n’as pas encore
commencé ta jaquette. Tu ne sais
pas pourquoi, mais ça te fait de
la peine de t’y mettre ; comme tu le
dis quand tu l’auras commençée
ça ira mieux. Que veux-tu petite
Nonot ça ne sert à rien de se
Centre gauche
faire du mauvais sang. Il faut
prendre les évènements avec le
plus de patience possible. Certe ça
n’est pas toujours facile et c’est sou-
vent que j’ais le cœur bien gros en
pensant à tout le bonheur qui se-
rait notre sans cette guerre affreu-
se qui, malheureusement, n’a pas
l’air de vouloir se terminer bien
tôt. Enfin ! Espérons malgré tout
que nous aurons encore de beaux
jours à vivre ensemble. Que nous
serions heureux de nous sentir bien
près l’un de l’autre et pour toujours
J’y pense constamment, mais
mes vœux ne sont pas souvent
exaucés.
Le temps s’est amélioré à Mont-
brison. Ici nous n’avons pas en-
core eu de pluie aujourd’hui , ça
encore le temps de venir car le
temps est toujours sombre et froid
Nous sommes toujours dans le
même patelin et nous ignorons
encore quand nous en partirons
et où nous irons. D’après certains
bruits qui pourraient bien êtres fon-
dés, nous irions à nouveau dans
un mauvais secteur où il ne fait
pas bon du tout, le communiqué
en parle souvent, presque tous
Centre droit
les jours. Enfin ! nous verrons bien
Espérons que la chance ne nous
abandonnera pas et qu’il n’y
aura pas trop de casse si nous y
allons.
. Tu me dis que ta mère m’envoi
un grand bonjour et qu’elle te
charge de me dire de ne pas me faire
du mauvais sang. Tu lui diras que
je tâcherai de suivre son conseil
et que moi aussi je lui envoi bien
le bonjour et mes meilleurs vœux
de bonne santé. Que nous soyons
réunis au plus tôt. J’attend avec
beaucoup d’impatience sans cesser
un seul instant de penser à mes
deux êtres chers. Je m’ennui bien
loin de vous et le cafard ne passe
pas vite. Je suis tout abruti ; ce que
j’en ai mare d’une pareille existen-
ce. Rien ne sert de récriminer. Sou-
mettons nous puisque nous ne pou-
vons faire autre chose, tout de même
ce qu’ils se la payent notre bobine
Ils nous prennent bien pour une
bande d’imbéciles.
. Tu me diras quand tu auras
vu mon père, ce qu’il t’aura dit
au sujet de la demande de sursis.
Il y en a beaucoup qui en ont fait
mais pour mon métier je crois qu’il
n’y faut pas compter. Les feuilles
Verso
de demandes se trouvent, parait-il,
à la tribune il en faut deux. Faure
Philibert les a déjà faites. Suivant
Ce que Zacco dira nous verrons si ça
vaut la peine d’essayer.
Au revoir petite fenotte, à demain.
Embrasse bien notre gentille gosseline
pour son papa. Bien le bonjour a
toute la famille. Bonne santé et
bonne chance à tous.
. Ton petit homme qui t’aime
bien bien bien, t’embrasse bien
tendrement comme pendant ces dix
jours qui me paraissent déjà loin
Le temps est bien long loin de toi.
Et dire que nous sommes si bien,
si heureux quand nous sommes en-
semble ? que cet séparation est donc
cruelle ; ne cessera-t-elle donc pas ?
Vivement … vivement le retour défini-
tif près de vous qui m’êtes si chers
Ton Simon tout à sa Jeannot des
bois pour toujours ; je t’adore ! J’at-
tend ! … N’oubli pas – Attend-moi
. Simon Collay
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