Recto
( en haut à gauche en biais : 20 juin 115
Je te
renvoie
5 de tes lettres
n’oubli pas de me Ma Jeannot aimée
faire savoir quand tu les
auras reçues)
Je viens de recevoir ta lettre du 16 courant, tu
peux croire que je lis tes lettres avec beaucoup de plaisir
car je ne pense qu’a ma chère femme, à notre enfant
et a tous nos parents qui me sont chers. Le temps
me parait énormément long loin de vous. je m’en-
nui, il me semble que plusieurs années se sont déja
écoulées depuis notre séparation, notre Zizou ne commen-
çait qu’à marcher et à présent tu me parle de l’en-
voyer à l’école, je la trouve encore bien jeune et je t’in-
vite à te méfier des accidents qui pourrait lui surve-
nir pendant le trajet de la maison à l’école. Embrasse
la bien fort et souvent pour moi notre chère petite
gosse que tu me dis si gentille et si bien portante
quand donc me sera-t-il permis de vous revoir et
de reprendre ma place auprès de ce que j’ai de
plus cher au monde ? Quand pourrais-je faire
mon possible pour vous rendre heureuses, vous,
qui êtes toute ma vie et ma seule ambition ?
Comme c’est long ! Comme cette attente est
énervante et comme le caractère s’aigrit a
voir cette affreuse situation se poursuivre
sans que l’espoir d’une fin prochaine vienne
nous inviter à la patience et au calme et à l’espé-
rance d’un retour prochain. Les massacres
se poursuivent, on fait encore demander des armur-
riers pour la fabrication des munitions que l’on
trouve toujours insuffisantes ; preuves que
cette guerre maudite n’est pas encore finie
Tous les moyens sont bons à présent. On
tue le plus possible et de n’importe qu’elle
Verso
façon. Qu’elle honte pour l’humanité, pour
le XXem siècle qui aurait dût être un siècle de
progrès et qui n’est qu’un siècle de barbarisme
et de mauvais instincts. Que de crimes ! Que de
spéculations crapuleuses ! que de honte et de fange
la paix ! tant désirée par tous ceux qui souffrent
de cette situation, est rejetée par ceux qui pourraient
rendrent cette immense service. On tâche d’où-
blier qu’elle est presque nécessaire. La Patience
s’use ! les caractères s’aigrissent et deviennent
mauvais. Enfin ! Attendons et que la chance
soit toujours avec nous ; que j’ai le bonheur de re-
voir tous ceux que j’aime.
Au revoir ma Jeannot chérie : ton Simon
qui t’adore et qui est à toi pour toujours t’embrasse
bien tendrement. Souviens-toi de nos heureux
jours et qu’il nous soit permis de les revivre.
Je t’aime !… de tout mon être et de toutes mes
forces. Je vis pour toi et pour notre Zizou
Au revoir le plus tôt possible.
Bien des choses à l’oncle, à mes parents,
au tonton de la Craze, à ta mère. Je les
embrasse affectueusement. Bien le bonjour
à madame Berger et à tous les amis et
voisins, sans oublier monsieur Chabert
et sa famille à qui je souhaite bonne san
té et bonne chance.
J’ai reçu une carte de mon cousin Clair
qui se porte toujours bien et fait toujours
l’ordonnance. Il ne se plaint pas trop fort
mais comme moi il est impatient de voir
la fin.
Le mandat de 50 f m’est parvenu et j’ai touché
l’argent. Je n’ai pas encore de nouvelle de votre
colis
Merçi… ! Votre Simon Collay
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