Ma Jeannot chérie

Correspondance d’un soldat de la guerre 14-18

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1er mai 1916 : Nous vivrions pour nous, plus de politique, plus de sociétés

1 mai 2016 Laisser un commentaire

Recto

Si tu es malade, il ne faut pas faire d’imprudence

Tu as attrapé une seconde grippe.

.                         1er mai 1916

( en haut à gauche :
Je te renvoie
deux de tes lettres)

.           Ma Jeannot aimée

.      J’ai reçu aujourd’hui ta lettre du 28
écoulé.  Décidément nous n’avons pas toutes
les chances, il s’en faut. Tu me dis que es
encore fatiguée, que tu as attrapée une seconde
grippe. Je veux espérer que ce ne sera
pas grave et que ta prochaine me
donnera de meilleures nouvelles. Si tu
es malade, il ne faut pas faire d’impru-
dence et ne pas te forcer pour aller au
travail, si tu n’es pas à ton aise repose
toi car si tu faisais le contraire tu
risquerais d’être encore plus fatiguée.
Méfie-toi ! Nous n’avons guère besoin

 

 

 

Verso

Comme on avait embêté les boches avec les torpilles, ils ont répondu par un bombardement

Nous serons
encore heureux ma chère petite femme

de la maladie et il faut tout faire pour
l’éviter et conserver la santé qui est la plus
grande richesse qui puisse contribuer au
bonheur d’ici bas. Certes ! pour le moment il
n’y a pas de bonheur, mais ça reviendra,
je veux bien l’espérer ; nous aurons la chance
de reprendre notre vie commune, nous serons
encore heureux ma chère petite femme. Je
t’aime bien…bien et pas un instant je
ne cesse de penser à mes deux gosses chéries.
Notre Zizou elle aussi est fati enrhumée mais
comme tu me l’explique ce n’est pas grave
du tout puisqu’elle conserve son bon appé-
tit et qu’elle continue à trotter et à faire aller
à tenant ses petites jambes et sa petite langue.
Soignez vous bien mes deux chéries ; pas d’im
prudence surtout.
.     Pour moi c’est toujours pareil : je me
porte assez bien. Aujourd’hui j’ai travaillé
toute la journée dans la tranchée de tir de
première ligne. Comme on avait embêté les
boches avec les torpilles, ils ont répondu par
un bombardement et nous avons dû nous
mettre à l’abri le plus possible. Enfin ! je
ne crois pas qu’il y ai de malheur à déplo-
rer. Aujourd’hui il a fait très chaud et
nous avons eu une petite pluie, peu
de chose. tu me dis que chacun a espoir
que ce sera bientôt fini. Hélas, s’il pouvaient
dire vrai. J ‘ai peu d’espoir. Ce que je m’ennui
loin de vous ! Ce que je l’attend cet heureux jour
de la paix. Rien. rien. toujours rien…C’est
enrageant.
.       Au revoir ma Jeannot. Ton petit
homme t’aime de tout son cœur et t’envoi
mille million de baisers et de bien douces
caresses. Bien des bisettes à notre gamine.
Bien le bonjour à mes parents et aux deux
grands-mères . J’espère que demain je pourrai
te relire et apprendre de bonnes nouvelles
de vous tous qui m’êtes chers ; de mes deux
gosses qui son toute ma vie, tout mon espoir
je vous aime bien, de toutes mes forces
et j’attend impatiemment de pouvoir repren-
dre ma place près de vous. Comme nous serions
heureux, alors ! Nous vivrions pour nous, rien
que pour nous, plus de politique, plus de so-
ciétés que notre travail, notre chez nous,
notre bonheur. Je t’adore et te bise bien
fort sur ta bouche. Pense à moi comme je
pense à toi : toujours. Soigne toi bien
ainsi que notre petit diablotin. A vous
revoir le plus tôt possible. Je vous aime
et toujours j’attend : Ton Simon   Collay

 

___________________________________________________________________________

L’expression « à tenant », que Simon et Jeanne utilisent assez souvent à propos de Zizou, signifie sans arrêt, en permanence. Cela semble bien convenir pour cette petite fille qui semble pleine de vie….

 

Dans  ce même courrier Simon parle de torpilles. Le terme est utilisé pour désigner des mortiers envoyés par les  deux camps. On parle aussi de bombes, plus familièrement de Crapouillots et du coté allemand de « minenwerfer »…

Le journal de marche du 38ème en parle le 30 avril comme d’une menace nouvelle « Apparition de torpilles ennemies d’un nouveau système, aérienne donnant naissance à son éclatement , à 7 petites torpilles partielles. Effet destructeur moindre, démoralisateur supérieur »[1]

Une vision de ce nouveau danger qui est minimisée par ce rapporteur. Simon  quant à lui en parle de manière particulière, presque badine « Comme on les a embêtés avec les torpilles… »

Les illustrations suivantes montrent l’objet sous ses différentes formes  ainsi que l’aspect technique.

Appareil de taille modeste

Canon de tranchée pour lancement de torpilles

 

Torpilles allemandes

Plusieurs modèles de torpilles

 

 

 

 

 

[1] JMO du 38ème RI, au 30 avril 1916, page 69.

 

Aspects techniques de la torpille

Coupe d’une torpille

 

 

 

Un témoignage tiré du carnet de Marcel Arvisenet, sergent observateur du 407ème RI,  donne un autre regard sur les effets destructeurs et terrorisants de ce type de mortier. Chacun, au vu de ces trois réactions, se fera une idée de l’ambiance qui pouvait régner dans les tranchées pendant les périodes de bombardement de ce type.

  « Torpille à droite » »     «  Torpille à gauche »

VALLAT et ROBIN viennent d’entendre les départs; deux minens montent dans le ciel brumeux; l’un vient de droite, l’autre de gauche; mais ils se croisent  au dessus de nous… diable… Seconde d’angoisse!! Je crois qu’il y en a  un qui a envie de descendre sur nous… Mais non, ils vont éclater vers la tranchée Becque.

Pendant une heure, c’est un tir de réglage qui se pose un peu là! Nous suivons des yeux chaque torpilles qui part des tranchées ennemies:

 » Attention! Elle est pour nous « 

                seconde de peur… mais non! Elle hésite sur nos têtes, à 150 mètres de hauteur, si elle va tomber sur nous, ou aller un peu plus loin. Nous nous aplatissons dans la boue: elle éclate à vingt mètres, en avant de notre tranchée!

 » Encore une! « 

une deuxième se dirige sur nous… Elle pique du nez, et descend avec une rapidité vertigineuse! Je crie comme un fou  » couchez-vous  » – A peine à terre, elle s’enfonce dans la boue,  à cinq mètres derrière nous… Un choc… de l’eau gicle… un tremblement de terre, et le sol s’entrouvre à côté de nous… Un éclatement épouvantable!!  Des monceaux de terre sont projetés en l’air par l’explosion des 85 kilos de cheddite, à cinq mètres de nous… Claquant des dents, nous recevons des seaux de boue sur le dos! ROBIN, protestant fervent, chante un psaume!

                 Une troisième torpille éclate à droite, et une quatrième, à gauche. Nous sommes couverts de terre à chaque éclatement! – Nous sommes repérés! Il va falloir quitter notre coin, car cela devient grave! Je préviens mes hommes de se tenir prêts à filer… Sous leur masque de boue, ils sont blêmes! Dans cet enfer de boue, la mort fait plus peur encore qu’à Vimy!

                Ceux qui n’ont jamais été sous un bombardement de torpilles! Ceux qui n’ont jamais vu tomber ces formidables engins à côté de leur tranchées! Ceux-là n’ont rien vu!!

                Moment de silence… Un coup sourd part de la tranchée ennemie. Je regarde vivement, car c’est le minenwerfer qui nous tire dessus…

                Je vois la torpille monter lentement; elle arrive au dessus de nous; sa trajectoire est finie! Elle semble s’arrêter… elle… pique du nez… ça y est!!!  » Sauve qui peut! « 

                Ce cri, je l’ai hurlé comme un homme qui ne veut pas mourir! Je m’arrache de la boue, je saute sur la tranchée, et je cours vers le poste de droite avec mes hommes. Je tombe dans un trou de boue… seul, RIQUET est resté au poste… je vois avec terreur, la torpille s’abattre, avec une force terrible, à l’endroit où nous étions tout à l’heure! Je pousse un cri d’horreur… Je vois mon pauvre RIQUET essayer de se sauver; il n’a pas le temps de bouger. Deux secondes d’angoisse… Soudain la terre tremble: Un volcan semble en surgir… Un monceau de blocs de terre gelée, de boue et de poutres monte vers le ciel… Une colonne de fumée noire, et une explosion épouvantable au milieu de ce volcan. Le corps de RIQUET est projeté en l’air, et retombe sur la terre fumante!

                Nous venons de l’échapper belle!! Je me sauve avec mes hommes à la troisième section, où nous sommes à l’abri des torpilles. De cet endroit, nous voyons un homme sortir du cratère de l’explosion couvert de boue, du sang sur le visage, il vient vers nous! C’est notre pauvre RIQUET! Il est un peu sourd, et s’en tire avec quelques égratignures sans importance. Il a de la veine!!

                Quand la nuit est venue, nous allons voir le trou de l’explosion. Il a douze mètres de diamètre; C’est terrible! Cinq mètres de profondeur! Nous ne retrouvons pas un fusil, pas une musette! Tout a été détruit!

                RIQUET doit la vie sauve à une poutre. Il était assis dessus; la poutre est déchiquetée. C’est à n’y rien comprendre[1]…

[1] Carnet de Marcel Avisenet, in : http://407ricomtois.canalblog.com/

 

 

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Le soldat Simon Collay

Portrait de Simon Collay

Simon Pierre Collay naît le 2 décembre 1888 à Montbrison. Son père, Pierre, est journalier et sa mère, Benoite Cote, est ménagère. Ils ont respectivement 27 et 25 ans. On ne sait rien de son parcours scolaire mais arrivé au service militaire, en 1909, il a un degré d’instruction générale évalué à 3. (Sur une échelle de 3.) Physiquement, il mesure 1 mètre 61, a les cheveux et sourcils châtains, il a le nez, la bouche et le menton moyen, le visage ovale. Il exerce le métier de plâtrier peintre. Il est incorporé au 38ème régiment d’infanterie de Saint Etienne, le 7 octobre 1909, sous le matricule 1264 et le quitte deux ans plus tard le 24 septembre 1911, muni de son certificat de bonne conduite. C’est ce même régiment qu’il rejoint lors de la mobilisation. Il se marie avec Jeanne Vachez le 14 janvier 1913, à Moingt. Ils ont une petite fille née peu avant la guerre. Sources : Archives Départementales de la Loire : 3NUMEC/3E148_40 et 47 NUM-1R1574 "

jeannotJeanne Vachez est née le  8 octobre 1891. Elle est la fille de François Vachez, maçon agé de 43 ans d’Antoinette Faverjon ménagère âgée de  33 ans. Ils demeurent  à Moingt (aujourd’hui intégré à la commune de Montbrison), dans le bourg. On sait peu de chose de sa vie avant la guerre : on peut supposer qu’à l’école la maitresse devait apprécier son écriture très belle , moins sans doute son orthographe…A moins d’un niveau très faible en calcul, , elle aurait  eu la mention 3 pour le degré d’instruction au  conseil de révision mais les femmes n’y allaient pas. Au recensement de 1911 elle est tisseuse chez Epitalon tout comme sa cousine Marie qui habite la maison voisine. Elle se marie avec Simon, le 14 janvier 1913, à Moingt , à quatre heures de l’après-midi. Les deux époux sont majeurs mais il est précisé qu’il se fait avec le consentement des parents. A ce moment là Jeanne est passementière. Il y a quatre témoins : Etienne, le frère de Jeanne, Joanny, le frère de Simon et deux amis du couple. Ils sont domiciliés à Montbrison, quai Saint Jean.

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