Recto
. 1er juin 1917
. Ma petite femme chérie
. Je viens de recevoir à l’instant ta lettre
du 29 écoulé. Je suis content de vous
savoir en bonne santé mais décidé-
ment nous n’avons pas de chance
puisqu’il fait un temps à finir
de gâter le peu qu’il y avait et pour
comble les rats continuent à man-
ger les lapins. Comme tu le dis, nous
risquons pas de faire fortune si
seulement ça finissait et que nous
puissions revivre notre vie commune
malheureusement je n’espère pas la
Paix bien proche.
. Notre Zizou est toujours bien
diable, elle vous fait toujours des
sottises et il est nécessaire de la cor-
riger un peu. Il faut lui taper un
peu la fesse puisque vous ne pou-
vez en venir à bout.
. Mamie chérie. Tu me dis que
le travail qu’on t’a donné n’est
pas bien fameux mais qu’il est
bien payé. Ça revient au même
à part que c’est peut-être un
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peu plus pénible et un peu plus embêtant
tu me dis que c’est de la laine de Villeperdue
drôle de nom tout de même, il y a peut-être
aussi de la laine de Villetrouvée.
. Rien de changé pour moi depuis hier
je me porte bien et nous avons un temps
très chaud, on cuit et j’ais une flemme
terrible. Ce matin j’ais fais un étui
pour mon revolver, j’ais trouvé un
morceau de toile caoutchoutée qui fait
très bien. Après la soupe je suis allé
me débarbouiller et me laver quelques
bricoles. Mais je ne suis pas bien cou-
rageux, je suis abrûti et je m’ennui
j’attend impatiemment que vienne
mon tour d’aller en permission, il
me tarde de revoir mes deux gosses ché-
ries et de goûter vos caresses. Ça ce fait
bien long.
. Hier soir j’ais reçu une lettre de mon
père qui me dit que toute la famille se
porte bien. Il me dit aussi que ça a grêler
et que ça a fait beaucoup de mal, qu’il
avait un jardin et que ça n’y a rien
laisser. C’est affreux tout de même ; c’est
la misère en perspective. Il avait joint
un billet de 5 francs à sa lettre.
. Joanny m’a envoyé une carte lui
aussi : Il m’écrit qu’il est habillé et
qu’on leur apprend le salut, le garde
à vous, à panser et à mener boire les
cheveaux et c’est ce qu’il y a de plus dure
pour lui. Il n’a rien vu… et il a
encore de la veine d’être dans l’artille-
rie lourde. Il n’a encore pas passé la
visite d’incorporation.
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Au revoir petite femme chérie. Embrasse bien
notre gamine pour son papa qui ne cesse de penser
à vous et de désirer l’heureux jour qui nous réu-
nira pour toujours. Que nous serions heureux
si ça pouvait être bientôt.
. J’ais transmi ton bonjour à Gaurand qui
te renouvelle le sien ainsi que Perroton dit
Panoche qui t’envoi avec son bonjour son plus
gracieux sourire.
. A demain ma Nonot des bois. J’espère
pouvoir encore te lire et avoir de vos bonnes
nouvelles. Bien le bonjour à tous nos chers
parents. Bonne santé et bonne chance a
tous.
. Ton petit mari entièrement à toi et qui
t’adore de tout son cœur plein de toi.
Je t’aime bien bien et je t’embrasse bien
fort sur ta bouche, tes yeux, ton cou, par-
tout. Ton Simon qui s’impatiente loin
de toi . Je suis entièrement à toi ! N’oubli
pas. Simon Collay
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