Ma Jeannot chérie

Correspondance d’un soldat de la guerre 14-18

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1er aout 1918 : Vont-ils saigner la France à blanc et ne laisser que des vieillards ou des estropiés ?

4 août 2018 1 commentaire

Recto

Si seulement on nous embarquait dans un secteur tranquille, où nous ne soyons pas trop embêtés, ça irait.

Ils pourraient bien nous laisser un peu reposer.


.                                                 1er Août 1918
.                   Ma Jeannot chérie
.  Je profite de ce que Gaurand part ce soir en
permission pour te faire parvenir de mes nouvelles.
.      Je me porte très bien pour le moment et
ça se passe assez bien par ici ; il serait à sou-
haiter que le régiment y reste longtemps. Malheu-
reusement je crois bien que notre séjour ne sera
pas de longue durée. Si seulement on nous em-
barquait dans un secteur tranquil, où nous ne
soyons pas trop embêtés, ça irait. Je crois qu’ils
pourraient bien nous laisser un peu reposer
car il y a un moment que nous n’avons pas eu
de véritable repos.
.        Bien chère petite femme. Je pensais
partir en permission vers le 10, malheureusement
il y a beaucoup de chance pour que je ne puisse
partir que vers le 16 ou 17. Ça fait encore bien
du temps à attendre et j’ais peur que d’ici-la
il n’y ai encore quelque entrave. Espérons que
rien de facheux ne se produira et que bientôt
j’aurai la grande joie de biser bien fort mes
deux gosses chéries que j’aime plus que tout et
loin desquelles le temps me parait horrible-
ment long.
.      Comme je te l’ais écrit hier c’est avec
beaucoup de plaisir que j’ais lu ta lettre du
25 j’étais très inquiet car j’étais resté deux
jours sans te lire et que dans la dernière de
tes lettres que j’avais reçu tu me disais que

 

 

 

Nous sommes tous bien las de tant de misères et de massacres.

Vivement que je prenne le train pour Montbrison.

Centre gauche
tu étais fatiguée. J’avais grand peur que tu
ne sois réellement malade. Heureusement
qu’il n’en est rien. J’espère pouvoir te relire
aujourd’hui et n’avoir que de bonnes nouvelles
de mes deux gosses et de toute la famille.
.    Tu me dis que notre Zizou a beaucoup
grandi, elle doit faire une gentille fillette
et il me tarde de me rendre compte de ses
progrès. Seulement elle est toujours bien dia-
ble et ses petites jambes et sa petite langue
ne cessent de remuer et d’agir un peu de trop.
Il y a besoin de l’école pour mettre ordre a
cela et la rendre un peu plus sage.
.            Ma Nonot. Tu auras sans doute
reçu mes lettres dans lesquelles je t’explique
l’erreur qui s’est produite et qui me faisait
passer pour blessé alors que c’est notre caporal
Colly qui l’était. C’est la ressemblance de nos
deux noms qui a fait faire erreur aux parents
à Gaurand. Vous avez du être grandement
inquiet, heureusement encore que tu avais
reçu une de mes lettres. Je ne suis pas été
blessé et à présent je me porte bien. Je ne suis
que très mais très impatient de vous revoir.
Les jours me paraissent horriblement longs
bien vivement que je prenne le train pour
Montbrison tu peux croire que je serai
heureux de vous revoir. Ça fera 6 mois que je
serai resté sans vous voir. C’est bien long et bien
dure de rester si longtemps loin de ceux que
l’on aime. Quelle triste vie tout de même.
Et on ne vois toujours pas de fin à cette mau-
dite guerre. Pourtant nous sommes tous bien
las de tant de misères et de massacres. Nous
attendons la Paix avec énormément
d’impatience. Le nombre des victimes est
bien grand et plus ça va plus ça devient

 

 

Centre droit

Que de choses atroces et horribles j’ai vu.

C’est de bien terribles sacrifices.


meurtrier. Vont-ils saigner la France a
blanc et ne laisser de des vieillards ou des
estropiés ? C’est de bien terribles sacrifices et
ceux qui en ont pris la responsabilité ne
doivent guère avoir la conscience en repos,
à moins que ce ne soit de  véritables brûtes.
.    Comme je te l’ais déjà écris. Nous som-
mes dans un petit village qui est à huit kilo-
mètres de Vitry-le- François. Nous sommes
tout près des gares d’embarquement et il est
très possible que nous prenions le train d’ici
quelques jours. Ce n’est qu’une supposition
car nous ne savons absolument rien de ce qui
nous attend. Il faut s’attendre à tout dans la
triste existence qui est la notre, à toutes les
misères, à tous les désagréments, à tout ce qui
peut rendre la vie insupportable. Et voila
quatre longues années que ça dure, quatre
longues années que je supporte cela sans inter-
ruption que les permissions de détente. Que de
choses atroces et horribles j’ais vu ; que de fois
découragé, abattu ais-je attendu le pire sans
avoir la force de penser et de réagir. Celui qui
n’a pas vu, qui n’a pas enduré cela ne sait pas
ce que la vie peut avoir de cruel et de répugnant
parfois. Qu’est-ce qu’un homme, qu’une vie
humaine dans l’horrible drame qui se joue ?
Rien … absolument rien ! … On nous sacrifie
comme on sacrifie des machines et on a pour
guère plus de considération que si nous
étions en bois, en fer, en  n’importe quoi.
Pauvre humanité ! Pauvres peuples ! Et dire
que l’on se croyait très avancés et bien au-dessus
de nos ancetres. Comme nous nous sommes
trompés, comme nous nous trompons encore.
Que d’erreurs ! Que d’injustices ! … Et je me de-
mande la Paix que peut nous amener tant
de déceptions et de haines amassées. Enfin !
Espérons malgré tout. Peut-être que faute

 

 

Verso
sagesse n’est pas morte et que ce bouleversement
du monde entier se terminera par un besoin géné-
ral de paix qui calmera les trop ambitieuses cau-
ses ce cette horrible cataclysme.
.

si j’ai le bonheur de vous revenir à la fin de cette guerre maudite.

Un besoin général de paix.

   Au revoir Mamour. N’oubli pas que
ton Simon t’adore de toutes les forces de son
âme, que constamment il vit de ton souvenir,
de celui de notre gamine que tu embrasseras
bien fort et bien des fois pour moi. Je vous aime
toutes deux plus que ma vie qui ne serait rien
sans vous. Ma vie actuelle n’est qu’une longue
attente bien décevante et bien cruelle et pénible
.    Quand mais quand donc pourrons-nous
revivre nos beaux jours d’autrefois. Quand
pourrais je être heureux de pouvoir faire mon
possible pour que vous soyez heureuses. Oui !
je vous aime bien toutes deux et si j’ais le
bonheur de vous revenir à la fin de cette guerre
maudite tu verras ma Jeannot combien tu
es aimée de ton Simon qui t’appartient en-
tièrement et pour toujours.
.         Donne bien le bonjour à ta mère, à ta
grand-mère et à chez moi. dis-leur que ce sera
avec beaucoup de plaisir que je les reverrai
et que je les aime bien tous et les embrasse
de même en attendant l’heureux jour de
la perme.
.        A demain Mamour. J’espère pou-
voir te lire ce soir ; j’attends toujours tes
lettres avec impatience.
.        Je t’aime et je t’embrasse passion-
nément. Souviens-toi ! Attends moi !
.    Ton petit mari qui trouve les heures
bien longues. Mille bien douces bises
sur tes yeux, ta bouche, ton cou, partout
.    Je t’aime bien … bien … bien
.                     Simon          Collay

 

 

 

Annexe recto (texte de Jeanne auquel Simon répond au dos)

Tu les as écrites toutes les deux à la fois.

tu
Tu me disputes encore.


Tes lettres du 11 et 12 portent
toutes les deux le tampons
du 13 juillet tu les as écrites
toutes les deux à la fois
c’est toi qui triche et tu
me dispute encore

 

 

 

Je t’aime bien ma Nonot et je t’embrasse bien fort.

Ce serait bien bête de ma part.

Annexe  verso
Mamie ! Ne crois pas que
je t’ais écris deux lettres le même
jour. A quoi cela me servirait-il
de chercher à te tromper. Ce serait
bien bête de ma part et bien mes-
quin.
Je t’aime bien ma Nonot et
Je t’embrasse bien fort … bien … bien
.    Je t’adore et ne t’oubli pas un
.                                   instant

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31 juillet 1918 : Elle attend toujours son papa ; mais son papa attend lui aussi.
Jeanne 2 août 1918 matin : je t’écris avant de partir travailler.

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Commentaires

  1. PAVY Michel dit

    29 août 2018 à 10 h 04 min

    Bonjour,
    Conseiller municipal délégué au patrimoine pour la commune de Blanzat (63112), je prépare,dans le cadre de la commémoration du 11/11/1918, une évocation scénique basées sur les témoignages d’acteurs de la guerre de14-18.
    J’ai lu avec beaucoup d’intérêt et d’émotion la correspondance entre Jeanne et Simon.
    M’autorisez-vous à utiliser quelques éléments de cette correspondance pour illustrer le spectacle?
    (Celui-ci est bien sûr proposé gracieusement aux habitants de la commune).
    La correspondance semble s’arrêter fin août 1918. En connaissez-vous la raison?
    En vous remerciant par avance pour votre réponse,
    Cordialement,
    Michel Pavy

    Cordialement,

    Répondre

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Le soldat Simon Collay

Portrait de Simon Collay

Simon Pierre Collay naît le 2 décembre 1888 à Montbrison. Son père, Pierre, est journalier et sa mère, Benoite Cote, est ménagère. Ils ont respectivement 27 et 25 ans. On ne sait rien de son parcours scolaire mais arrivé au service militaire, en 1909, il a un degré d’instruction générale évalué à 3. (Sur une échelle de 3.) Physiquement, il mesure 1 mètre 61, a les cheveux et sourcils châtains, il a le nez, la bouche et le menton moyen, le visage ovale. Il exerce le métier de plâtrier peintre. Il est incorporé au 38ème régiment d’infanterie de Saint Etienne, le 7 octobre 1909, sous le matricule 1264 et le quitte deux ans plus tard le 24 septembre 1911, muni de son certificat de bonne conduite. C’est ce même régiment qu’il rejoint lors de la mobilisation. Il se marie avec Jeanne Vachez le 14 janvier 1913, à Moingt. Ils ont une petite fille née peu avant la guerre. Sources : Archives Départementales de la Loire : 3NUMEC/3E148_40 et 47 NUM-1R1574 "

jeannotJeanne Vachez est née le  8 octobre 1891. Elle est la fille de François Vachez, maçon agé de 43 ans d’Antoinette Faverjon ménagère âgée de  33 ans. Ils demeurent  à Moingt (aujourd’hui intégré à la commune de Montbrison), dans le bourg. On sait peu de chose de sa vie avant la guerre : on peut supposer qu’à l’école la maitresse devait apprécier son écriture très belle , moins sans doute son orthographe…A moins d’un niveau très faible en calcul, , elle aurait  eu la mention 3 pour le degré d’instruction au  conseil de révision mais les femmes n’y allaient pas. Au recensement de 1911 elle est tisseuse chez Epitalon tout comme sa cousine Marie qui habite la maison voisine. Elle se marie avec Simon, le 14 janvier 1913, à Moingt , à quatre heures de l’après-midi. Les deux époux sont majeurs mais il est précisé qu’il se fait avec le consentement des parents. A ce moment là Jeanne est passementière. Il y a quatre témoins : Etienne, le frère de Jeanne, Joanny, le frère de Simon et deux amis du couple. Ils sont domiciliés à Montbrison, quai Saint Jean.

Avertissement

Suite à un problème avec notre hébergeur/serveur, le site a perdu les lettres du 14 juin au 31 octobre (43 courriers,). Nous allons rééditer ces correspondances dans les semaines à venir. Merci de votre compréhension.

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