Recto
. 19 octobre 1917
. Ma bien chère petite femme
. C’est avec beaucoup de plaisir que
je viens de lire ta lettre du 15 courant.
J’avais besoin de te lire, de sentir ta
tendresse. La séparation a étée bien
triste en effet. Je ne puis m’en remettre
et j’ais toujours un cafard terrible
. Tu me dis que notre petite Zizou a
pleuré que tu m’avais laissé partir :
chère petite gosse, elle ne comprend
pourtant pas encore tout ce que la
situation actuelle est triste. Mon
père lui était exalté. Je l’étais moi
aussi et je l’étais au point que si
un officier m’avait dit la moindre
des chose j’aurais fait des bêtises.
Ça ne m’aurait pas beaucoup avancé
mais j’avais le cœur si tellement gros
ça me faisait tellement de la peine de
quitter ma Jeannot et notre gentille
petite Zizou. Et puis je crois que les au-
tres sont bien comme moi. Et toi petite
fenotte : tu étais bien triste. C’est
bien dure de toujours se résigner à vivre
ainsi, toujours séparés loin de tous
Centre gauche
ce que l’on aime, de toute tendresses et
caresses. Et dire que nous serions si heu-
reux avec notre gentille petite gamine.
La paix, vivement la paix car ça devient
de plus en plus insupportable.
Tu me dis : vivement qu’il n’y est plus
rien à manger, car au moins si nous
étions malheureux nous serions au moins
réunis. Je pense comme toi : qu’impor-
te tout le reste pourvu que nous soyons
ensemble, vivre bien près l’un de l’autre,
là est toute mon ambition, avoir ta
tendresse et tes caresses, avoir les mêmes
souçis, partager les mêmes peines, gou-
ter les mêmes joies. Hélas ! … Ce n’est pas
encore que nous revivrons des jours plus
heureux que les présents, rien ne fait
prévoir la fin de ce terrible cauche-
mard. Attendre ! toujours attendre ; ça
devient bien lassant. Je m’ennui de me
sentir si loin de mes deux gosses chéries.
Et rien… rien… toujours rien qui ne laisse
prévoir des évènements plus propices a
la paix. Enfin ! Essayons d’attendre
encore le plus patiemment possible, peut
être y aura-t-il du nouveau plus tôt que
nous ne le pensons.
. Rien de nouveau depuis ce matin.
Nous sommes toujours au même patelin
et nous ne savons toujours pas quand
nous en partirons : brusquement
sans doute, au moment où nous ne nous
Centre droit
y attendrons pas comme toujours
Aujourd’hui nous n’avons pas eu la
pluie, le temps s’est élevé quelque peu
quoique toujours un peu sombre. Il
y a beaucoup de boue.
. Si tu vois mon père n’oubli pas de
lui demander s’il peut voir Zacco
pour lui demander s’il pourrait faire
une demande de mise en sursis de
trois mois pour travailler chez lui.
. Il n’y a pas beaucoup de chances de
réussite. Mais qui sait ! … un coup du
hasard peut nous favoriser. Zacco ne vou-
dra peut-être rien savoir. Tiens moi
au courant.
. Je m’arrête pour le moment Demain
matin je terminerai ma lettre avant
de te l’envoyer.
. Au revoir ma petite Nonot bien-aimée
Ton Simon qui t’adore de toutes ses forces
t’embrasse des millions de fois bien fort
partout ta chère figure et où il y a les
petites marques. Souviens-toi de ton
petit homme et de ces quelques jours heu-
reux vécus ensemble, mais si vite pas-
sés. Que le temps va nous paraitre long
. Tout à toi pour toujours : Simon
Verso
6H1/2 du matin. 20 octobre 1917
. Ma Nonot des bois
Rien de nouveau depuis hier. Nous
sommes toujours au même patelin. Dans
la soirée ça s’est mis à tomber de l’eau
Pour le moment ça ne pleut pas. Espérons
que nous aurons meilleur temps.
. Au revoir petite fenotte bien-aimée.
Je t’écrirai plus longuement dans la
journée.
. Embrasse bien notre petite Zizou
pour son papa qui ne vous oubli pas
un instant. Je vous aime bien toute
deux.
. Ton Simon qui t’embrasse des
millions de fois bien tendrement
comme les jours passés et déjà si
loin de la permission.
. Souviens-toi ! N’oubli pas.
. Je t’adore et j’attend
. Simon Collay
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