Recto
Le 18 avril 1915
Chère femme (de coté je te renvoie
3 de tes lettres)
Cher oncle
J’ai reçu votre lettre du
14 avril hier au soir.
Je suis toujours heureux de vous lire et
d’apprendre de bonnes nouvelles de tous
ceux que j’aime et qui m’attendent
Malheureusement le temps s’écoule et rien ne
nous fait prévoir le retour des jours heureux
près de tous mes êtres chers. Toujours la vie
de brûte stupide, toujours de l’angoise et
de l’inquiétude. Où est donc notre bonne
vie pleine de calme ? Pourquoi suis-je loin
de ma Jeannot, de notre Zizou, de tous
ceux qui m’intéressent ? Pourquoi toutes
les puissances sont elles acharnées a cette
œuvre de destruction ? Où est la sagesse ?
Hélas ! plus ça va plus cette maudite
Centre gauche
guerre menace de durer et personne ne cherche
à enrayer cette situation dangereuse.
Comme c’est dure de vivre loin
de ceux que l’on aime, que de
souffrances morales l’on endure.
On s’épuise à espérer. On recherche dans les
journaux des indices de paix prochaine, mais
malheureusement c’est toujours sans succès.
Rien !…toujours rien … La faucheuse
poursuit son œuvre. Nous ne sommes plus
des hommes, mais des brutes asservis sous le
militarisme et la fatalité. Tous les hommes
vont être ramassés, il ne restera plus que
les âgés ou les trop jeunes, mais tous ceux
qui sont presque capables de porter un fusil
sont enrôlés de force par la terrible ogresse :
Guerre 1914-1915 et peut-être … ?
Est-ce que les peuples vont se laisser faire
jusqu’au bout ? Vont-ils se laisser saigner
à blanc sans un mouvement de révolte… ?
J’ai fini de croire que l’Europe était
civilisée. Je ne vois qu’une bande de monarques
plus ambitieux les uns que les autres, qui font le
malheur de l’ouvrier toujours dupe de ces
fourbes. Je ne puis m’empêcher de réfléchir et
Centre droit
de me rendre compte que la civilisation est bien
en retard et que le beaucoup de misère se prépare
oh vivement la paix. Ce ne sera jamais assez
tôt pour être sage ? J’attend ! comme tous
ceux qui sont au front…
Ce matin nous avons encore changé de can
tonnement, nous sommes revenus dans le village
où nous étions précédemment : nous y resterons
encore demain et après demain nous irons pren
dre les avants postes à la place du 86em
Aujourd’hui nous avons un temps superbe
quoiqu’il fasse du vent. Je souhaite qu’a
Montbrison il en soit de même, moins le
vent, et que notre petite Zizou puisse courir,
s’amuser et prendre l’air à son gré. Chère
enfant ! ce n’est pas sans attendrissement que
je pense à toi, comme tu dois être grandette et
gentille, comme tes caresses doivent êtres douces
et comme il m’est pénible d’être privé du plus
doux de mes devoirs : celui de veiller sur toi
Enfin espérons que tout notre bonheur n’est
pas perdu et qu’il y a encore des joies qui nous
sont permisent .
Vous me dites que vous allez m’en
voyer un autre colis, une fourme toute
Verso
entière, certe j’ai toujours aimé le fromage mais
jamais autant qu’à présent, c’est pour vous dire
que la dite fourme sera la bienvenue.
Cher oncle : tu ne te lasse pas d’être géné
reux, toujours bon tu t’efforce a nous faire
plaisir. Que puis je faire en retour ? Te
dire que je te remerci, que je t’aime et que
je n’oublirai jamais tout ce que tu as fais
pour moi. C’est maigre, mais je ne puis
mieux et que tu peux être persuadé que je suis
sincère. Que nous soyons réunis le plus tôt
possible et que nous puissions encore vivre de bons
jours. Bien des choses à mon père et à ma
mère ainsi qu’au tonton l’ainé, ma belle-mère
et tous ceux qui nous intéressent : que ma
lettre vous trouve tous en excellente santé et
que tout marche le mieux possible. Bien
le bonjours à tous les amis, sans oublier
M.Chabert, madame Berger.
Qu’il me soit permi de vous revoir tous
le plus tôt possible. Votre
Simon Collay qui pense a
vous continuellement. Bien le bonjour
de mes camarades.
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