Recto
Antheuil le 11 avril 1915
Ma Jeannot chérie
Comme je te l’ai dit hier nous sommes
cantonnés dans un autre village Antheuil.
Nous y sommes pour jusqu’à lundi ou mardi
après quoi nous retournerons avancer près des
avants-postes sans toutefois y retourner de
suite, du moins telles sont nos suppositions
car nous ne savons jamais rien de précis
Aujourd’hui nous n’avons pas encore
vu la pluie, il est 10h toute la matinée
a été consacrée au nettoyage de tout ce que nous
possédons, nous venons de passer la revue cet
après midi nous avons notre soirée de libre
sans toutefois sortir du cantonnement : c’est
déjà beaucoup, il est vrai que nous ne sommes
plus sous les ordres du fameux commandant
Costemat, nous n’avons plus a faire à ce guignol
détraqué et vraiment nous n’en sommes pas
fachés, la rosse nous en a assez fait rôter.
En ce moment mes camarades sont à la
messe, l’autorisation en est donnée à qui cela fait
plaisir, mes copains ont leurs croyances au catholi
cisme moi mes idées n’ont pas variées bien au
contraire car il est facile de se rendre compte que
comme toujours, les curés sont à l’abri de tous les
dangers jamais ils n’ont si bien travailler pour
Centre gauche
[ ?]la foi patriotique et pour excuser
tous les égorgements qui ont lieu et qui sont si
contraires, en tous les sens, au bien être de la
classe ouvrière et cela dans tous les pays d’Europe
Il est vrai que malgré leurs efforts tous ceux qui
sont au front et sont obligés de gouter au massacre
qu’ils soit de leur parti ou non, tous sont plus
antimilitaristes les uns que les autres, tous en ont
mare de la vie que nous menons et qui est une
tache infammante dont le XXe siècle ne parvien
dra jamais à se laver. Tous attendent la fin avec
une impatience fébrile ! Quand viendra-t-elle
cette fin ? Quand la liberté nous sera-t-elle rendue ?
Quand votre Simon qui vous aime bien tous pour-
ra-t-il vous embrasser et reprendre sa place au
milieu de tous ceux qui lui sont chers ? Comme la
vie est dure et pénible ! Que de tristes réflexions l’on
n’a parfois ! Que de joie le jour où je vous reverrai
et que notre bonheur nous sera rendu !
Quel sera notre avenir ? Que nous réservera len
demain toujours incertain ? Hélas nous n’en
savons rien nous avons des alternatives d’espoir
et d’anxiété mais c’est toujours l’incertitude ! Que
de souffrances morales j’endure ! J’ai peur [.] tué !…
parfaitement j’ai peur ! Nous avions une bonne
vie pleine de charmes nous avons une enfant
que nous adorons. J’ai peur de perdre tout cela
et il faudrait que je ne vous aime pas pour qu’il
n’en soit pas ainsi et tout au contraire je vous adore
vous êtes le but de ma vie, sans vous à présent je
ne suis plus rien. Elever notre Zizou : voilà mon
ambition, en faire une brave fille, consciente
de tous les devoirs que la vie nous impose et que
sa devise soit honnête, droiture, franchise Ah ! Quand je
pense à tout cela !
Je viens d’être interrompu, nous venons de
manger la soupe et on vient de nous appren
Centre droit
dre que nous devons quitter le village demain
matin nous allons dans un autre patelin […..]
le Marest qui est situé en Chevincourt et
Antheuil, nous ne savons pas du tout ce que si
gnifient tous ces changements. Quand donc vien
dra la Paix ?
Ma Jeannot : n’oublie pas ton Simon qui
t’adore toi et notre Zizou, soigne la bien cette chère
enfant. Que d’heureux souvenirs elle nous rap
pelle comme notre amour est grand !
J’espère que l’oncle est toujours bien
portant ainsi que mon père, nos deux mères,
ta grand-mère, l’oncle de Craze, tous ceux qui
ont droit à notre affection, à notre amour
Quant à mes deux frères, je ne me fais pas
de mauvais sang pour eux ils sont pleins de
chance, les évènements sont pour eux
Bien le bonjours à ton cousin Vacher
que maitre Joanny se donne la peine de don
ner le bonjour à tous les copains, surtout
à monsieur Barbier si cela est possible
Il est extraordinaire que l’on ne sache
toujours rien de ton frère, je commence a
craindre qu’il soit victime de cette guerre
maudite guerre. On ne sait pas. Peut-être ?
Bien le bonjour à mon cousin Clair
Quand l’oncle de la Craze lui écrira, qu’il
lui envoi mes meilleurs vœux de chance
et que nous soyons tous réunis à la fin de
ces terribles évènements
Verso
Au revoir chère femme, embrasse sou
vent notre Zizou pour moi, je te bise
ma Jeannot comme quand nous […]
nous allions nous [……]
ensemble, heureux d’être sures d’un amour
profond et réciproque [……] ca
resses mes deux gosses
Bien le bonjours à vous tous que le
temps me dure de revenir […]
Je pense à vous toujours et le […]
Jour […] sera [……..]
[….] et nous permettra[….]
[…….
……..
…….]
Votre mari, fils, filleul, neveu
frère et gendre qui [….]
Simon
Bien le bonjour de mes 3
camarades
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