Recto
![Je l’espère, tout va du mieux possible : travail, santé](https://lettres1418.org/wp-content/uploads/17-15-mai-recto.jpg)
Toujours la même vie abrutissante
. 15 mai 1916
(en haut à gauche :
Je te
renvoi une
de tes lettres)
. Ma Jeannot chérie
. Hier je n’ai pas eu de lettre de toi : ce
sera pour ce soir que j’aurai de bonnes nou-
velles de mes deux gosses chéries et de toute la
famille pour qui, je l’espère, tout va du
mieux possible : travail, santé .
. Pour moi rien n’est bien changé, c’est bien
toujours la même vie abrûtissante et je
m’ennui toujours d’être si loin de vous.
Verso
![,Je me demande s’ils ne font pas leur possible pour nous rendre malades.](https://lettres1418.org/wp-content/uploads/17-15-mai-verso.jpg)
Ce matin on nous a vaccinés
Nous avons toujours un vilain temps pluvieux
ce qui n’est pas agréable du tout, surtout que
demain soir nous remontons aux avants-postes
et pour comble, ce matin on nous a vaccinés
de nouveau. Je crois que nous serons vaccinés notre
aise, il me semble même qu’ils abusent légé-
rement. Je commence à avoir mal à la tête : ça
m’élance dans le bras gauche : je crois que tout
à l’heure je serais un peu malade. Quand
je pense que demain il faut que nous remontions
dans les tranchées et avec ce temps, je me deman-
de s’ils ne font pas leur possible pour nous ren-
drent malades. J’ai l’envie de rendre, ça ne va pas
des mieux pour le moment , du reste c’est toujours
pareil, après l’opération que nous venons de subir
et puis ! nous sommes habitués à toutes les mi-
sères, à toutes les épreuves, nous obéissons et nous
subissons passivement comme de vulgaires man
animaux domestiques. Ah !… quand ça sera donc
fini. Je suis bien las et les autres sont comme
moi. Attendre ! toujours attendre sans résultat
ça fatigue. Vivement la paix que je puisse re-
prendre ma place près de ma petite femme que
j’adore et de notre gentille petite Zizou que j’ai-
me tant. Qu’on nous rende notre bonheur, nos
beaux jours d’autrefois ! Souviens-toi ma mie
souviens-toi combien nous étions heureux.
. On vient de faire la distribution des lettres, je
n’en ai encore pas, c’est embêtant, sans doute je
pourrai bien te lire demain.
. Au revoir ma Jeannot. Je ne t’en mets
pas d’avantage car ça ne va pas. Je ne puis
pas bouger le bras gauche qui me fait mal
et j’ai de plus en plus mal à tête et envie
de vomir. Ne t’inquiète pas, ce n’est
rien, demain ça ira mieux.
. Embrasse bien notre gamine pour moi
Bien des choses à toute la famille.
Bonne santé à tous et vivement la
Paix. D’après le journal d’aujourd’hui
ce n’est pas encore. (Le président Poin-
caré déclare quelle paix veut la France)
Pas la peine de faire des commentaires. Su-
bissons puisque nous ne sommes pas assez éner-
giques pour faire autre chose.
. Ton petit homme t’adore de toutes
ses forces et t’embrasses bien tendrement,
comme autrefois, sur tes lèvres.
Je t’aime ! Simon Collay
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