Recto
9 heures du matin 6 Octobre 1918
. Ma Jeannot chérie
Pas grand’chose à t’apprendre depuis hier. J’ais
passé une bonne nuit, j’ais bien dormi. La santé
n’est pas mauvaise, je n’ais pas de fièvre du tout
mais je tousse toujours un peu. Nous n’avons pas
encore vu de major, heureusement que nous ne
sommes pas bien malades sans quoi nous en
serrerions une cruelle. Il n’y a personne pour
s’occuper de nous, nous n’avons ni crachoir, ni
table de nuit, rien. Nos effets trainent encore a
travers la chambre, on ne nous les a pas ramassé
encore. Drôle d’hôpital. Il parait qu’on ne les a
averti qu’au dernier moment qu’ils avaient a
nous hospitaliser, rien n’était prêt. Nous devions
aller à l’intérieur, finalement nous sommes
restés dans la zône des armées … enfin ! Heureu-
sement que je ne suis guère malade. Je ne pense
pas rester longtemps ici … Pourvu qu’il nous don-
ne une convalo, ce n’est pas trop sûre et ça
m’inquiète. Je serais pourtant bien content de
revoir mes deux gosses chéries. Comment allez-
vous ? Je m’ennui de rester sans avoir de vos
nouvelles. J’espère que ma petite fenotte va aussi
bien que possible, ainsi que notre diablotin de
Zizou … Est-elle contente d’aller à l’école, ne se
fait-elle pas prier pour y aller. Il ne faut pas
la laisser manquer, il faut l’habituer tout de
suite à être assidue et attentive aux leçons.
Rends-toi compte par toi-même qu’elle apprend
elle se fait grande, à son âge il y a des enfants
qui commencent déjà à lire, il faut qu’elle
rattrape le temps perdu. Je tiens essentiellement
à ce qu’elle apprenne bien car l’instruction
est bien nécessaire maintenant.
. Pas grand-chose de plus à t’apprendre
Verso
Nous attendons la visite du major. Il ne vient
pas vite. Je voudrais bien qu’il se dépêche car je
voudrais me lever pour me débarbouiller et me
raser car j’ai une drôle de bille et je ne suis
pas à mon aise ; il y a bien huit jours que je ne
me suis pas lavé, j’ais la figure raide.
. une heure ½ après-midi
. Décidément c’est franc la pagaille dans cette
hôpital. Nous n’avons pas encore vu le major. Ma
parole, il y en a peut-être point. Moi je n’en ais pas
besoin mais il y a deux ou trois de mes camarades
qui eux auraient besoin de le voir car ils sont fatigués.
. C’est du beau, du propre. Ils mettront sur les jour-
neaux que les poilus sont bien soigné. Quelle vie !
Ah vivement la paix il y en a grandement besoin.
. Je viens de me débarbouiller et de me raser, j’en
avais grandement besoin, à présent j’ais meilleure
allure. Mais si le régime ne change pas je n’en-
graisserai pas ici. Ce matin nous avions un quart de
café. A 11heures du bouillon sans pain et 2 quarts
de lait qui n’a pas du tout le goût de lait mais
plutôt le goût de l’eau. J’espère bien que ce
régime ne durera pas sans quoi je ne prendrais
guère de force.
. Au revoir ma Jeannot des bois. Je ne t’é-
crirai pas plus longuement pour aujourd’hui.
Embrasse bien fort notre gamine pour son papa et
donne bien le bonjour à ta mère, à chez moi, a
toute la famille. j’espère que ma lettre vous trouve-
ra en parfaite santé.
. A demain Mamour. Ton petit mari qui
t’adore t’envoi ses plus douces caresses et t’em-
brasse bien fort des millions de fois.
. Je t’aime bien … bien … et que toi
ma Jeannot des bois. Pas un instant je ne cesse de
penser à toi et à notre Zizou gentille.
. Ton Simon à qui le temps dure bien de
revoir ses deux gosses chéries.
. Simon Collay
Doublet says
Merci d’avoir partagé cette correspondance ! Passionnée de généalogie j’ai été très touchée par la lecture de ces lettres, je suis curieuse de savoir si tout c’est bien passé pour eux après la guerre ? Et leurs enfants ont ils survécu ? Merci d’avance de votre réponse. Cordialement. Florence Doublet.