Recto
. 1er Août 1918
. Ma Jeannot chérie
. Je profite de ce que Gaurand part ce soir en
permission pour te faire parvenir de mes nouvelles.
. Je me porte très bien pour le moment et
ça se passe assez bien par ici ; il serait à sou-
haiter que le régiment y reste longtemps. Malheu-
reusement je crois bien que notre séjour ne sera
pas de longue durée. Si seulement on nous em-
barquait dans un secteur tranquil, où nous ne
soyons pas trop embêtés, ça irait. Je crois qu’ils
pourraient bien nous laisser un peu reposer
car il y a un moment que nous n’avons pas eu
de véritable repos.
. Bien chère petite femme. Je pensais
partir en permission vers le 10, malheureusement
il y a beaucoup de chance pour que je ne puisse
partir que vers le 16 ou 17. Ça fait encore bien
du temps à attendre et j’ais peur que d’ici-la
il n’y ai encore quelque entrave. Espérons que
rien de facheux ne se produira et que bientôt
j’aurai la grande joie de biser bien fort mes
deux gosses chéries que j’aime plus que tout et
loin desquelles le temps me parait horrible-
ment long.
. Comme je te l’ais écrit hier c’est avec
beaucoup de plaisir que j’ais lu ta lettre du
25 j’étais très inquiet car j’étais resté deux
jours sans te lire et que dans la dernière de
tes lettres que j’avais reçu tu me disais que
Centre gauche
tu étais fatiguée. J’avais grand peur que tu
ne sois réellement malade. Heureusement
qu’il n’en est rien. J’espère pouvoir te relire
aujourd’hui et n’avoir que de bonnes nouvelles
de mes deux gosses et de toute la famille.
. Tu me dis que notre Zizou a beaucoup
grandi, elle doit faire une gentille fillette
et il me tarde de me rendre compte de ses
progrès. Seulement elle est toujours bien dia-
ble et ses petites jambes et sa petite langue
ne cessent de remuer et d’agir un peu de trop.
Il y a besoin de l’école pour mettre ordre a
cela et la rendre un peu plus sage.
. Ma Nonot. Tu auras sans doute
reçu mes lettres dans lesquelles je t’explique
l’erreur qui s’est produite et qui me faisait
passer pour blessé alors que c’est notre caporal
Colly qui l’était. C’est la ressemblance de nos
deux noms qui a fait faire erreur aux parents
à Gaurand. Vous avez du être grandement
inquiet, heureusement encore que tu avais
reçu une de mes lettres. Je ne suis pas été
blessé et à présent je me porte bien. Je ne suis
que très mais très impatient de vous revoir.
Les jours me paraissent horriblement longs
bien vivement que je prenne le train pour
Montbrison tu peux croire que je serai
heureux de vous revoir. Ça fera 6 mois que je
serai resté sans vous voir. C’est bien long et bien
dure de rester si longtemps loin de ceux que
l’on aime. Quelle triste vie tout de même.
Et on ne vois toujours pas de fin à cette mau-
dite guerre. Pourtant nous sommes tous bien
las de tant de misères et de massacres. Nous
attendons la Paix avec énormément
d’impatience. Le nombre des victimes est
bien grand et plus ça va plus ça devient
Centre droit
meurtrier. Vont-ils saigner la France a
blanc et ne laisser de des vieillards ou des
estropiés ? C’est de bien terribles sacrifices et
ceux qui en ont pris la responsabilité ne
doivent guère avoir la conscience en repos,
à moins que ce ne soit de véritables brûtes.
. Comme je te l’ais déjà écris. Nous som-
mes dans un petit village qui est à huit kilo-
mètres de Vitry-le- François. Nous sommes
tout près des gares d’embarquement et il est
très possible que nous prenions le train d’ici
quelques jours. Ce n’est qu’une supposition
car nous ne savons absolument rien de ce qui
nous attend. Il faut s’attendre à tout dans la
triste existence qui est la notre, à toutes les
misères, à tous les désagréments, à tout ce qui
peut rendre la vie insupportable. Et voila
quatre longues années que ça dure, quatre
longues années que je supporte cela sans inter-
ruption que les permissions de détente. Que de
choses atroces et horribles j’ais vu ; que de fois
découragé, abattu ais-je attendu le pire sans
avoir la force de penser et de réagir. Celui qui
n’a pas vu, qui n’a pas enduré cela ne sait pas
ce que la vie peut avoir de cruel et de répugnant
parfois. Qu’est-ce qu’un homme, qu’une vie
humaine dans l’horrible drame qui se joue ?
Rien … absolument rien ! … On nous sacrifie
comme on sacrifie des machines et on a pour
guère plus de considération que si nous
étions en bois, en fer, en n’importe quoi.
Pauvre humanité ! Pauvres peuples ! Et dire
que l’on se croyait très avancés et bien au-dessus
de nos ancetres. Comme nous nous sommes
trompés, comme nous nous trompons encore.
Que d’erreurs ! Que d’injustices ! … Et je me de-
mande la Paix que peut nous amener tant
de déceptions et de haines amassées. Enfin !
Espérons malgré tout. Peut-être que faute
Verso
sagesse n’est pas morte et que ce bouleversement
du monde entier se terminera par un besoin géné-
ral de paix qui calmera les trop ambitieuses cau-
ses ce cette horrible cataclysme.
.
Au revoir Mamour. N’oubli pas que
ton Simon t’adore de toutes les forces de son
âme, que constamment il vit de ton souvenir,
de celui de notre gamine que tu embrasseras
bien fort et bien des fois pour moi. Je vous aime
toutes deux plus que ma vie qui ne serait rien
sans vous. Ma vie actuelle n’est qu’une longue
attente bien décevante et bien cruelle et pénible
. Quand mais quand donc pourrons-nous
revivre nos beaux jours d’autrefois. Quand
pourrais je être heureux de pouvoir faire mon
possible pour que vous soyez heureuses. Oui !
je vous aime bien toutes deux et si j’ais le
bonheur de vous revenir à la fin de cette guerre
maudite tu verras ma Jeannot combien tu
es aimée de ton Simon qui t’appartient en-
tièrement et pour toujours.
. Donne bien le bonjour à ta mère, à ta
grand-mère et à chez moi. dis-leur que ce sera
avec beaucoup de plaisir que je les reverrai
et que je les aime bien tous et les embrasse
de même en attendant l’heureux jour de
la perme.
. A demain Mamour. J’espère pou-
voir te lire ce soir ; j’attends toujours tes
lettres avec impatience.
. Je t’aime et je t’embrasse passion-
nément. Souviens-toi ! Attends moi !
. Ton petit mari qui trouve les heures
bien longues. Mille bien douces bises
sur tes yeux, ta bouche, ton cou, partout
. Je t’aime bien … bien … bien
. Simon Collay
Annexe recto (texte de Jeanne auquel Simon répond au dos)
Tes lettres du 11 et 12 portent
toutes les deux le tampons
du 13 juillet tu les as écrites
toutes les deux à la fois
c’est toi qui triche et tu
me dispute encore
Annexe verso
Mamie ! Ne crois pas que
je t’ais écris deux lettres le même
jour. A quoi cela me servirait-il
de chercher à te tromper. Ce serait
bien bête de ma part et bien mes-
quin.
Je t’aime bien ma Nonot et
Je t’embrasse bien fort … bien … bien
. Je t’adore et ne t’oubli pas un
. instant
PAVY Michel says
Bonjour,
Conseiller municipal délégué au patrimoine pour la commune de Blanzat (63112), je prépare,dans le cadre de la commémoration du 11/11/1918, une évocation scénique basées sur les témoignages d’acteurs de la guerre de14-18.
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt et d’émotion la correspondance entre Jeanne et Simon.
M’autorisez-vous à utiliser quelques éléments de cette correspondance pour illustrer le spectacle?
(Celui-ci est bien sûr proposé gracieusement aux habitants de la commune).
La correspondance semble s’arrêter fin août 1918. En connaissez-vous la raison?
En vous remerciant par avance pour votre réponse,
Cordialement,
Michel Pavy
Cordialement,