Recto
. 6 juillet 1918
. Bien chère petite femme
Viens de recevoir tes deux lettres du 30 et du
1er juillet. Je n’ais rien reçu de toi à la date du 29
Est-ce encore une lettre perdue ? C’est tout de
même bien embêtant.
. Ma Nonot. Tu me dis que tu es fatigué
tu as des douleurs du côté droit et les pieds pleins
de gonfles qui coulent, tu ne marche que difficile-
ment et crois que tu ne pourras plus travailler
longtemps. Que veux-tu ma Nonot … quand tu
verras que ça te fatiguera trop tu n’auras qu’a
t’arrêter et rester tranquille si jamais tu étais
gênée que tu ais besoin d’argent tu n’as qu’à reti-
rer sur le peu que nous avons à la caisse. Que
veux-tu. Il faut pourtant vivre et il est plus
prudent de t’arrêter un peu plus tôt, qu’un
peu trop tard.
. Pour comble vous êtes bien à la ration de
pain de 150 grammes, décidément c’est à n’y rien
comprendre mes camarades des autres régions me
disent que chez eux on ne leur a pas parler de ça.
Ici nous sommes en Champagne à l’arrière
du front, les habitants ont la carte de pain mais
chez leur boulanger ils peuvent avoir jusqu’à 500 gr.
Et pourtant nous ne sommes pas très loin du
front. C’est à n’y rien comprendre. Tu me dis
que notre Zizou n’engraisse pas et que tu ne sais
pas quoi lui donner à manger ; elle n’est pas
forte et elle transpire souvent à grosses gouttes.
Décidément c’est bien embêtant et il y a de quoi
inquiéter, il ne manquerait plus qu’elle tom-
be malade, ça serait le comble. Il faut te
méfier et ne pas la laisser courir de trop, il faut
tâcher de la faire manger suffisamment. Quand
donc cette triste comédie sera-t-elle finie ? Il
y a de quoi devenir tout à fait dingo. Et dire que
nous n’y pouvons rien, il nous faut tout endurer,
tout supporter sans murmurer. Vivement que les
Verso
bôches soient à Paris si ça doit faire finir la guerre.
. Aujourd’hui j’ais reçu une lettre du Georges
qui me dit qu’il est en permission, il ne t’avait
pas encore vue. Il y avait quelques jours que je
n’avais rien reçu de lui.
. Pour moi la santé est toujours bonne
Je t’écris du même endroit que qu’hier. Nous som-
mes alertés, tout notre bazar est prêt et nous sommes
prêts à prendre les [ardos ?] d’un moment à l’autre
Partirons-nous aujourd’hui ? … Ne partirons-nous pas ? …
Nous attendons et ne savons à quoi nous en tenir
Il y a départ probable. Nous attendons. Si nous par-
tions ce serait sans doute pour arrêter les bôches une
autre fois. Ce qu’il y en a mare.
. Tu me dis que la vigne est bien jolie.
C’est général. Ici que c’est le pays du vin de Champa-
gne les vignes sont superbes et il parait que s’il n’y
avait pas de malheur il y aurait une vendange su-
perbe. J’espère que cette année il n’y aura pas d’accroc
et que vous pourrez avoir une belle vendange. Ce ne
serait pas malheureux.
. Au revoir ma Jeannot des bois à demain.
J’espère que j’aurais une autre lettre de toi
et de bonnes nouvelles de tous ceux que j’aime et
qui me sont chers. Embrasse bien fort notre Zizou
pour son papa qui pense à vous constamment et qui
vous envoi à toutes deux ses plus douces caresses et ses
plus tendres bisettes. Je vous aime bien … bien … Toutes
mes pensées sont pour vous et j’attends toujours avec
beaucoup d’impatience la joie de vous revoir.
. Les permissions ne sont pas suspendues pour le
moment, on dit même que le pourcentage aurait aug-
menté mais je n’en suis pas sure. Vivement que
j’ais la joie, le bonheur de vous biser bien fort.
. Bien des choses à ta mère. Comment va-t-elle ?
Bonjour à ta grand-mère et à chez moi si tu les vois.
. Ton Simon qui t’adore passionnément.
Je n’aime que toi … rien que toi ma Nonot. Pas un
instant je ne t’oubli.
. Je te bise bien fort comme je t’aime, des
millions de fois. Je t’aime ! J’attends !
Je te renvoi trois de tes lettres. Je t’en ais renvoyé deux
hier. Dis-moi si tu les as reçu.
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