Recto
. 29 Novembre 1917
. Ma Jeannot chérie
Je n’ais rien reçu de toi hier. Ce
n’est sans doute qu’un retard de la poste
peut-être aujourd’hui aurais-je deux de
tes lettres avec de bonnes nouvelles de
deux gosses chéries et de tous ceux
que j’aime. Je n’aime pas rester
sans te lire et j’attend toujours tes
lettres avec impatience, c’est toujours
un peu de toi.
. Je t’écris du même endroit qu’hier
Il n’y a rien de nouveau et je vois
bien que, malheureusement, il nous
faudra remonter de nouveau aux
avants-postes. Quelle vie ! … Ce qu’on
en a mare pourtant. On ne parle
toujours pas de nous sortir de par
ici.
. Quand je vois ces messieurs qui nous
gouverne de plus en plus acharnés a
la guerre, ça me mine. Je les voudrais
bien voir seulement pendant 4 ou 5
jours à mener la vie qui est mienne
depuis 40 mois. Je crois qu’ils en ra-
battrait de beaucoup. Ça leur est faci-
le de faire de courageux discours sui-
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vits de bons geuletons de tout le con-
fort désirable. Ils sont bien à l’abri
pendant que nous risquons continuel-
lement notre peau. Ah ! vivement … bien
vivement la fin de cette affreuse guerre
qui devient de plus en plus meurtrière.
Pour peu quelle dure encore longtemps.
Je crois que le peuple de France ne sera
plus que composé : 1e des embusqués qui
se désintéressent complètement de nous.
2e de beaucoup d’estropiés et de rachiti-
ques, de rhumatisants. Quelle gloire !
avec cela la misère. C’est là l’avenir
que je vois poindre. Il est vrai que d’au-
tres auront fait fortune et ceux-là se-
ront les grands manitous, et les pauvres
cons qui reviennent du front seront en-
core obligés de se soumettre à cette clique
d’égoïstes ambitieux. Dieu … que la
civilisation est belle, que les hommes
sont donc devenu intelligents. Est-ce
qu’il en sera toujours ainsi ? Seras-ce
donc toujours celui qui ne possède rien
qui sera obligé de se sacrifier pour dé-
fendre le bien et la fortune de ceux qui pos-
sèdent et qui sont loin d’êtres reconnaissants ?
Enfin … Attendons … Patientons ! Voila
40 mois que nous attendons il y a de
quoi désespérer et devenir fou.
. Et toi petite femme … que fais-
tu ? … La vie n’est pas bien drôle pour
toi aussi. Que cette séparation est donc
longue et cruelle. Et dire que nous serions
si heureux sans cette maudite guerre
. Ton travail marche-t-il à peu
près ?; J’espère que oui et que rien
de fâcheux ne s’est produit pour toi
ni pour aucun membre de la famille
Notre Zizou doit toujours faire son
petit diable. Tu me diras si tu veux
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la ramener au médecin, car ça doit-être bien em-
bêtant en ce moment qu’elle se mouille la nuit.
Elle se fait grande, il faudrait bien qu’elle guérisse
de cette faiblesse.
. Au revoir Mamie chérie. A demain !
J’attend avec impatience que les lettres arrivent,
j’ais besoin de te lire. Embrasse bien notre gamine
pour moi et donne bien le bonjour à tous nos
chers parents qui tous se portent bien, je l’espère.
. Ton petit mari qui t’aime bien, toi toute seule
t’envoi de bien douces caresses et bisettes, comme
autrefois quand nous allions nous promener rien
que tous les deux. Tu te rappelles ? … Nous étions
bien heureux à cette époque, nous étions loin de
nous doûter de ce qui nous attendait.
. Ton Simon tout à sa Jannot des bois qu’il
adore et qu’il embrasse bien fort sur ses lèvres,
ses yeux, son cou … partout. Vivement que
nous soyons à nouveau réunis et pour toujours
que la chance soit avec nous jusqu’au bout.
J’attend ! sans cesser un instant de penser a
Toi et à notre gentille Zizi. Ton Simon
. Collay
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