Recto
. 29 novembre 1915
. Ma Jeannot chérie
J’ai reçu hier soir ta lettre du 25 courant, la précé-
dente était du 23. C’est avec plaisir que je lis tes
lettres et que j’apprend que la santé se maintient
dans toute la famille et que notre petite Zizou
se porte toujours bien et fait remuer à tenant ses
petites jambes et sa petite langue. Tu as reçu
la broche et la bague mais celle-ci t’est trop
petite de même que toutes les autres ; il est facile
de les agrandir en raclant l’intérieur de
l’anneau avec un couteau. Ici comme a
Montbrison nous avons un temps très froid
les nuits il gèle fortement cette nuit il a
plu et gelé par-dessus ce qui fait que c’était
couvert de vert glas, à présent il pleut
encore. C’est un drôle de temps. Chère petite
femme tu me dis que les pieds te font toujours
mal et que ça te gêne beaucoup, c’est bien
embêtant, tu devrais essayer de mettre du
talque dans tes bas ça ferait peut-être
guérir plus vite. Pour nous la vie n’a
guère changée. Hier tout de même ils nous ont
fiché la paix jusque tard le jour, j’en ai pro-
fiter pour me débarbouiller comme il faut et
raccommoder un peu. Ce matin nous
avons subi l’expérience des gaz asphyxiants
vraiment ça n’est pas bon, un camarade dont
le tampon était mal mis a été malade
plusieurs on senti légèrement l’effet. Moi
Verso
ça ne m’a pas fait grand-chose, j’avais bien
pris soin pour mettre mon tampon et mes
lunettes. Ce soir nous devons avoir manoeu-
vre de régiment ; il tombe fortement de
l’eau. Peut-être renverront-ils cet exercice
à un autre jour mais si nous marchons
tout de même nous prendrons une bonne
saucée. On dit que nous devons retourner
aux avants-postes le 3 ou le 4 du mois pro-
chain et dans un secteur qui nous est incon-
nu. Quand tu m’enverras un colis je vou-
drais que tu me mettes une aiguille pour ra-
ccomoder les chaussettes et un peu de laine
et aussi une petite pipe que je me mettrai
à fumer dans les tranchées. Pas autre
chose à t’apprendre pour le moment. Je m’en-
nui toujours de vivre si loin de ceux qui
me sont chers et j’attend toujours que des
évènements plus favorables à la paix
viennent nous faire espérer un prochain
retour près de mes êtres chers. Hélas ! Je crains
qu’il nous faille attendre encore bien long-
temps. Au revoir ma Jeannot bien ai-
mée Ton Simon pense à toi toujours et
t’adore de toutes ses forces. Embrasse bien
notre Zizou pour moi. Bien des choses a
mes parents quand tu les verras embrasse
les pour leur fils qui ne les oublie pas.
Bien des choses à ta mère, à ta grand-mère
et à tous les parents. Bonne santé a
tous et vivement la fin de cette horrible
cauchemar. Tout à toi et pour toujours
Simon Collay je te renvoi
. 5 de tes lettres
. fais moi savoir quand tu
. les recevras
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