Recto
. 25 juin 1918
. Ma Jeannot chérie
J’ais reçu hier soir ta lettre du 19 et ce soir celle du 20 cou-
rant. C’est toujours avec beaucoup de plaisir que je lis de
bonnes nouvelles de mes deux gosses chéries et de toute la fa-
mille.
. Tu me dis que tu as profité de la journée que tu es restée
a la maison pour faire les deux tabliers de notre Zizou car
elle n’en a plus. Tu ne perd pas de temps, petite femme
il est vrai que tu as besoin de ne pas en perdre.
. Notre Zizou est toujours bien diable et d’après
ce que tu me dis elle n’est pas gourmande de soupe. Il faut
lui apprendre à toujours la manger et ne pas lui accomplir
ses quatre volontés. Tu as raison de la corriger un peu quand
elle le mérite.
. Rien de changé pour moi depuis hier. Nous
sommes toujours au même endroit. Hier soir ça a tombé
un peu de flotte. A dix heures du soir je suis allé mener
les malades à la visite, , il y a une heure de chemin pour aller,
autant pour revenir, et il ne faut pas s’endormir. On passe
à travers champs, l’herbe est haute et comme elle était mouil-
lée je me suis mouillé moi aussi. J’avais les genoux tout
trempe.— Aujourd’hui je suis un peu fatigué, j’ais un
peu mal à la tête et aux jambes. Je suis tout abrûti.
. Aujourd’hui nous avons eu assez beau temps ; il a
fait soleil, malheureusement le temps s’assombrit à pré-
sent et je crois bien que nous allons avoir une autre
pissée. Enfin ! Il faut prendre tout cela comme ça vient
et tout supporter puisque nous n’y pouvons rien changer.
. Quand donc serons-nous libres ? Quand serons-nous
réunis à nouveau ? – C’est toujours pareil … plus ça
va plus c’est dure et cruel. On ne parle de la Paix
que pour la renvoyer à bien plus tard, à une époque
indéterminée. Il faut la paix avec la victoire … Je
crois plutôt que ce sera la paix avec la misère et la
famine. Ce sera là la victoire pour laquelle tant de
vies humaines auront été sacrifiées. Que de tristes
choses en perspectives. Enfin ! Rien à y faire il faut
Verso
se résigner à notre sort peu enviable. – Espérons
que la chance ne nous abandonnera pas et que nous
serons à nouveau réunis ; que notre plus cher désir
sera accompli.
. Au revoir petite Nonot des bois. Je ne
t’écrirai pas plus longuement pour aujourd’hui :
j’ais mal à la tête et suis tout assommé. Pour comble
c’est moi qui faut qui aille à la soupe ce soir. J’ais
encore une bonne corvée à m’appuyer.
. Embrasse bien fort notre gamine pour son
papa et donne bien le bonjour pour moi à toute
la famille
. A demain ma Jeannot chérie
Ton petit mari qui t’aime de tout son cœur
t’embrasse bien fort bien tendrement et
t’envoi ses plus douces caresses
. Ton Simon tout à toi pour
toujours
. Je pense Collay
à toi continuellement
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