Recto
. 16 Septembre 1918
. Ma Jeannot chérie
. C’est avec beaucoup de plaisir que j’ais lu hier
soir ta lettre du 11 courant sans laquelle tu me
dis que notre Zizou est presque guérie sauf qu’elle
n’est pas forte. Tu me dis qu’elle a une faiblesse
nerveuse et qu’il n’y a pas moyen de la soigner
car elle pleure toutes les fois qu’on veut lui faire
prendre un médicament ; comme le médecin t’a
dit de ne pas la contrarier tu ne sais pas trop
comment faire. C’est embêtant en effet. Comme toi
j’espère que l’école lui fera du bien et le temps
me dure d’en voir le résultat.
. Et toi petite fenotte tu as essayé de retourner
travailler mais ça te fatigue et tu n’es pas bien
à ton aise. il vaut mieux que tu reste tranquille
à la maison que tu te repose, c’est plus prudent.
Va consulter ta cousine afin de savoir si tout
va bien de manière que quand le moment viendra
il n’y ai pas de complications, que tout se passe
bien. Prends toutes les précautions, on en prend
jamais trop. Tu me dis que tu t’ennui à la mai-
son que tu prends le noir. Il ne faut pas te laisser
aller, il faut réagir et ne pas voir les choses plus noi-
res qu’elles ne sont. Certe tout n’est pas rose mais
il faut espérer que tout se passera du mieux pos-
sible pour nous et que notre vie commune, notre
bonheur nous sera rendu, que nous pourrons vivre
encore de beaux jours ensemble, bien près l’un
de l’autre avec nos deux mamis. Ah ! vivement que
cette maudite guerre finisse et que le beau temps
revienne. J’y pense souvent à ces beaux jours
d’autrefois, à tout ce qui fût nous. Que nous étions
heureux alors ! … Vivement vivement que sa revien-
ne que je puisse te biser bien fort journellement sans
avoir l’inquiétude de te quitter. Comme nous serions
heureux ma Jeannot des bois. Qui sait … peut-
être que la paix viendra plutôt que nous ne croyons
Ah ! si nous pouvions avoir cette heureuse surprise.
Enfin ! attendons et efforçons-nous de patienter … ça
n’est pas trop facile car malgré soi on s’énerve de
Verso
toujours attendre vainement un résultat qui ne vient tou-
jours pas.
. Rien de changé pour moi depuis hier, nous som-
mes toujours au même endroit et tout se passe bien. Nous
avons beau temps, il fait même très chaud. Je suis tou-
jours en bonne santé et j’espère que ma lettre trou-
vera mes deux gosses chéries dans le même état, ainsi
que toute la famille.
. J’attends les lettres car j’espère avoir encore
de vos nouvelles aujourd’hui et que la santé va de mieux
en mieux pour notre gamine et pour toi.
. Au revoir petite fenotte. Embrasse bien
fort notre Zizi pour son papa et dis-lui que le
temps me dure de retourner coucher dans la cham-
bre rose. Je m’y trouvais très bien … qu’elle différen-
ce ici … aussi les jours me paraissent bien longs et
je ne cesse de penser à vous … à vous qui m’êtes si
chers … Tu me dis que Zizou va se trouver peinée
quand l’autre mami sera venue, elle est très jalouse,
exclusive ; elle ne peut supporter que l’on caresse
d’autres enfants. Cela lui fera du bien, ça la corrige-
ra de ce vilain défaut qui en entraîne souvent d’au-
tres à sa suite.
. A demain Mamour. Bien le bonjour
pour moi à ta mère qui je l’espère va aussi
bien que possible ; bien des choses à toute la fa-
mille.
. Ton petit mari qui t’aime de toute son
âme et qui t’embrasse bien fort des millions
de fois sur tes yeux, ta bouche, ton cou sur tes
nanets, souviens-toi ! Attends–moi … Je
n’aime que toi … rien que toi … Je t’appartient
entièrement et pour toujours. Je ne puis être heu-
reux que près de toi avec toi … je ne puis com-
prendre la vie sans ma Nonot
chérie.
. Ton Simon qui te bise
encore comme il voudrait
le faire pour de bon.
. Collay
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