Recto
. Samedi 10 mars 1917
( à gauche en vertical :
Je te renvoi une lettre et deux de tes
. cartes. Fais savoir quand tu les recevras)
. Ma bien-chère
. petite fenotte
. Je viens de lire avec beaucoup
de plaisir ta gentille carte du 7 de ce mois.
Je suis content que mes deux gosses chéries se
portent bien et que ta mère aille mieux.
. Vous avez encore eu de la pluie : Ce
doit être bien embêtant pour toi pour faire
la route. Heureusement que tu as pû te
Verso
procurer une autre paire de caoutchou, sans
quoi tu aurais pris des bains de pieds qui
sont loin d’êtres hygiéniques. Il ne manquerait
plus que tu ressente les douleurs qui t’ont fait
souffrir l’année dernière. Tu n’as pas besoin
de çà. Il y a assez de misère autrement.
. Tu me dis que ta mère trouve que la taille de
la vigne ne s’est pas faite dans les conditions.
espérons que la prochaine vendange ne sera
pas vilaine malgré que le travail laisse à dé-
sirer.
. Notre Zizou est toujours bien diable et
sa langue est toujours bien longue. Tu dis qu’il
faudrait lui en couper un bon bout sans doute
pour l’empêcher de dire des sottises Espérons que
petit à petit la langue et la petite fille devien-
dront plus raisonnables. Certe ! elle serait bien
mieux à l’école où on l’habituerait un peu à obéir
et a être sage ; mais puisque ce n’est pas possible
ce n’est pas la peine d’en parler.
. Pour moi rien de changé depuis hier. Je
me porte très bien. La nuit passée je ne suis pas
allé au traveaux et je crois bien que ce soir il
n’y en a pas. Aujourd’hui nous sommes alertés.
. Je ne puis t’expliquer pourquoi. La censure
est de plus en plus sévère, ne nous exposons pas
à des sanctions qui pourraient êtres rigoureuses.
Que veux-tu, Mamie chérie la liberté est morte
de toutes façons. Je ne suis plus qu’un pauvre petit
pantin dans les mains des traites1 de ces messieurs
Et voilà deux ans et demi que ça dure et ce
n’est pas près de finir. Ces messieurs qui ne sont
pas au front sont de plus en plus patriotes et se sen-
te la force de tenir jusqu’au bout. Enfin ! rien
ne sert de récriminer, pauvre serf, soumet toi à la
volonté des puissants.
. Aujourd’hui nous n’avons ni pluie ni
neige ; le temps est sombre mais il ne fait pas
trop froid. Ça a dégelé et avec toute la neige
qu’il y avait ça a fait énormément de boue. On
patauge…
. Une lettre du 1er février que j’avais écris au
Louis m’est revenue. Il a tellement déménagé de fois
ces jours passés que cette carte est sans doute d’autres,
ne lui sont pas parvenue.
. Au revoir petite femme bien-aimée. J’espère
que ma lettre vous trouvera tous en parfaite santé.
. Embrasse bien fort notre gamine pour son papa. Bien
le bonjour à ta mère, à ta grand-mère et à mes chers
parents quand tu les verras.
. Ton petit homme qui ne cesse de penser à toi et
t’envoi ses plus douces caresses, ses plus tendres bisettes
souviens-toi les 7 nuits de la permission, bien courte
à notre gré, je t’adore ma Nonot, de tout mon cœur
plein de toi, de nos gentils souvenirs. Je t’aime de toute
mon âme et je t’embrasse bien fort sur tes lèvres, par-
tout ton cher visage. Souviens-toi. N’oubli pas.
. Ton Simon tout à sa Jeannot des bois et pour
toujours…
. Simon Collay
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1 : les mains de traitre de ces messieurs
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