Recto
. 7 juillet 1918
. Ma Jeannot chérie
J’ais reçu ce matin ta lettre du 2 courant avec beau-
coup de plaisir car tu me dis que tes doigts vont mieux
et tes pieds aussi, tu me dis que ça te fait comme
des brûlures que ça coule ; c’est bizarre que des
rhumatismes produisent cet effet.
Notre Zizou est toujours en bonne santé mais
elle n’est pas grasse et elle mange guère car le pain
ne vaut rien. C’est bien ennuyeux ça et il faudra
vous méfier, la crème de riz qu’elle a trouvé si
bonne il faudra lui en faire manger, le riz est sain
et nourrissant et ça ne peut que lui faire du bien.
Elle grandit toujours, c’est peut-être bien ce qui est
cause qu’elle maigrit tant en plus de ça la chaleur
doit la contrarier. Elle fait toujours pipi au lit
et tu ne sais plus quoi faire ; je ne vois pas moi
non plus et c’est bien embêtant. Pourtant Moiroux
m’avait bien guéri, il est vrai que j’étais un peu plus
vieux. Ce sera encore bien plus embêtant quand
il y aura l’autre, si tous les deux font pipi au lit
ce ne sera guère rigolo.
. Pour la ration de pain de 150 grammes c’est
fini ; vous recommencerez à toucher 300 grammes mais
du pain horriblement mauvais, ce qui fait que la
ration est suffisante seulement pour se remplir le
ventre ça doit devenir de plus en plus compliqué.
Je me demande ce que ça fera si ça continu à s’agra-
vre ver.
. Pour moi la santé n’est toujours pas
mauvaise mais je suis vanné, complètement
vanné. J’en ais mare. Hier soir à 8 heures nous
nous sommes remis en route toujours à pied
avec tout notre barda. Nous nous sommes
appuyé de 12 à 14 kilomètres et je suis arrivé
complètement fourbu. Nous voilà dans une
petite ville, un peu plus grande que Montbrison
Nous avons couché dans un grenier. Nous
sommes en cantonnement d’alerte, prêt à se
Verso
remettre en route à nouveau et pour aller certaine-
ment dans un endroit où il ne fera pas bon. Nous
pouvons partir ce soir, comme demain ou après-
demain ; nous ne savons pas à quoi nous en tenir
mais nous voudrions bien qu’il nous laissent re-
poser un peu car tous nous sommes bien fatigués.
. Il fait toujours un temps superbe, un beau
soleil mais j’ais un mal de caisson formidable
et je recherche l’ombre.
. Nous sommes dans le pays du bon vin
au cœur de la Champagne. Il y a du vin épatant
mais il est cher. Hier nous avons bu du vin de
Champagne du pays, 6 f 50 la bouteille, ce n’est pas
pour rien ; une vraie débauche que nous nous som-
mes payer. Il était épatant, … ça change d’avec la
saloperie que nous sommes habitués à boire. Ce
matin nous avons bu de la bière. Je ne mange pres-
que plus rien, je n’ais plus d’appétit, le manger
me répugne. Je suis complètement dégoûté … Je
m’ennui de voir que c’est toujours la même chose
et qu’on ne voit toujours pas la fin. Hier je t’ais
dit que le pourcentage des permissions aurait été
augmenté, ce n’est pas vrai, c’est toujours la mê-
me chose et je ne vois pas arriver mon tour de
sitôt ; pourtant je suis très très imaptient.
le temps me dure de revoir mes deux gosses chéries
. Au revoir ma Nonot. Embrasse bien
fort notre gamine pour moi et donne bien le bon-
jour à ta mère, à chez moi, à toute la famille.
J’espère que ma lettre vous trouvera tous en parfai-
te santé et demain j’aurais une autre lettre de ma
petite fenotte qui m’apportera de bonnes nouvelles.
. Ton Simon qui ne cesse de penser à toi
et t’envoi de bien douces caresse et t’embrasse
bien tendrement des millions de fois comme pour
la perme déjà si loin. Vivement que nos beaux jours
d’autrefois nous soient rendus et que nous puissions
vivre heureux à nouveau, bien près l’un de l’autre.
Je t’adore Mamour … toi toute seule.
. Souviens-toi – ! … Attends-moi ! .
. Ton petit homme tout à toi
. Simon Collay
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